Angoisse - «Nous sommes des otages de l'oued. Nous avons peur pour nos enfants et nos malades surtout» nous dit un citoyen de Aifer. Nous avons choisi une journée de pluies torrentielles pour répondre à l'invitation des habitants de Aifer, un douar situé à plus de 17 km du chef-lieu de la daïra de Sidi Ameur (Tipaza), pour aller constater de visu l'oued dont ils nous ont parlé lors de notre reportage avec eux au mois de Ramadan 2008. Une fois arrivés au lieu dit Tamloul qui sépare Douar Aifer de Menaceur, nous nous sommes arrêtés devant l'oued que nous avons traversé difficilement profitant des cours d'eau qui commençaient à ralentir. Une expérience à ne pas proposer car le risque de glissement, surtout à travers un tronc d'arbre, était très grand. Il a été évité de justesse grâce aux jeunes du douar qui nous ont fortement tenus et escortés vers l'autre rive de l'Oued. La route étant très boueuse, nous avons préféré continuer notre chemin vers certaines maisons à pied. La famille Hayene qui nous accueillis la première, n'a pas omis de nous souhaiter la bienvenue avec son couscous à base de gland et de l'ben, de lait de vache maigre en manque de nourriture à cause des intempéries et de la neige qui a couvert les prairies de la montagne. Selon le témoignage de beaucoup de leurs voisins, pas moins de 150 bêtes sont morts à cause du froid et de la faim, y compris au douar Bouharb, un peu plus haut dans la montagne. «J'ai perdu 2 moutons et 2 chèvres» nous dit Malek, un jeune fellah de 27 ans, père de 2 enfants et responsable de ses frères et sœurs orphelins. Malek a également perdu 2 ha de pois chiche.» Je nourris ma famille difficilement maintenant. Pour pallier ces pertes, je vais me tourner vers la tomate» nous dit Malek. «A quand le pont svp ?», interpellent ainsi les habitants du douar, qui relève de la commune de Menaceur, s'adressant aux responsables locaux. Ils ont aujourd'hui plus de 150 familles selon les habitants du douar qui doivent combattre pour aller travailler de bon matin, aller à l'école, chez le médecin ou encore faire des courses. Autre carence ici, et pas des moindres : le réseau téléphonique est quasi inéxistant» je dois me déplacer jusqu'aux hauteurs de la montagne pour parler au téléphone» nous dit Hamid, un jeune licencié en journalisme et non-voyant. Accueillants, les habitants de Aifer qui ne communiquent entre eux qu'en chleuh, un dialecte berbère proche du chenoui, nous parlent de leurs souffrances, de leurs innombrables peines, dont en particulier le manque, voire l'absence de transport. Ils sont contraints de se déplacer à pied sur plus de 3 km pour atteindre le Douar Tamloul, sinon à dos d'âne. Et «en l'absence d'éclairage public, on se déplace à l'aide de lampes dans l'obscurité, notamment lors de la prière des Taraouih au mois sacré du Ramadan» nous dit un jeune. Le comble, selon Mohamed, un jeune père de 3 enfants dont un bébé souffrant d'une grave pathologie cardiaque, «nous ratons des évènements importants à cause de l'oued nous empêche de nous déplacer en périodes de pluies. J'ai raté le rendez vous d'une opération chirurgicale de mon fils car je ne pouvais pas traverser l'oued. Ma voiture est tombée dans l'oued et elle n'a été retirée qu'avec des tracteurs. Nos malades en cas de pluies sont transportés sur des civières pour être évacuées vers les urgences».