Cas - Les personnes vivant avec l'illettrisme ou ayant fréquenté ou grandi avec des illettrés à travers leurs parents, leurs frères et sœurs ou leur conjoint sont nombreuses. Pour la première fois d'ailleurs, nous n'avons pas eu de mal à collecter les témoignages nécessaires à ce dossier. Les difficultés ont commencé pour Nouara, cette quinquagénaire, au lendemain du décès de son conjoint. «Il y avait tellement de papiers à remplir au niveau de la Sécurité sociale, de l'entreprise ou mon mari était comptable, que je me suis sentie dépassée. Un cercle infernal dont je pensais ne plus pouvoir m'en sortir. Moi qui n'avais jamais signé de papier, ni rempli un document, et encore moins signé quoi que se soit, je me suis retrouvée du jour au lendemain face à une responsabilité énorme. Pour continuer à vivre et subvenir aux besoins de mes enfants, je n'avais d'autre choix que de m'y mettre. Je devais réapprendre à écrire mon nom et à corriger ma signature dont je ne devais plus me séparer. Pour ne rien vous cacher, je ne savais même pas que nous devions avoir une seule signature pour toujours et pour tous les papiers», raconte Nouara que nous avons rencontrée dans une classe d'alphabétisation. Une histoire que partagent de nombreuses veuves qui se voient confrontées à une paperasse administrative sans aucun accompagnement. Sur place, nous avons eu l'occasion de discuter aussi avec Lalia, une jeune femme de 35 ans, qui, en apparence, n'avait rien d'une illettrée. Mais, ne dit-on pas que les apparences sont trompeuses ? Cette jeune célibataire a été forcée de quitter les bancs de l'école à l'âge de 10 ans. «L'école est très loin de notre village Ath yeranne dans la commune des Ouadhias, dans la wilaya de Tizi Ozou. Mon père ne voulait pas prendre le risque de me laisser m'aventurer notamment en hiver pour rejoindre mon école située au chef-lieu de la commune. Au fil des années, j'ai perdu toutes les notions de base que j'ai apprises pendant les quelques années de ma scolarité. Aujourd'hui je suis mariée et mère de trois enfants et c'est pour eux que j'ai décidé de reprendre le chemin de l'école», nous confie Lalia. Si Lalia a décidé de réapprendre à lire et à écrire pour ses enfants, beaucoup le font pour pouvoir lire le Coran, c'est le cas de Rachid qui nous raconte son impatience de pouvoir réciter un jour les versets. «Mon seul objectif est de lire le Coran et le réciter sans difficulté. J'attends ce jour depuis très longtemps», témoigne Rachid qui avoue avoir redoublé trois fois au cycle primaire avant d'abandonner l'école.