Revoilà le ramadan. Comme chaque année, on se retrouve à quantifier les tonnes de victuailles qui seront «largement disponibles» selon les pouvoirs publics qui dressent une nomenclature exhaustive de tous les produits. La viande rouge et le poulet seront à la portée des bourses modestes, nous dit-on, puisque le prix sera plafonné respectivement à 600 et 250 dinars dans les 300 points de vente agréés par le ministère du Commerce, disséminés à travers 40 wilayas. On nous assure aussi que des dizaines de milliers de tonnes de fruits et légumes seront mises sur le marché. Et comme toute cette production nationale serait insuffisante, on recourra à l'importation notamment de viandes. Tout cela augure, n'est-ce pas, d'un ramadan sans problème et on le constate, les pouvoirs publics en charge de «réguler» le marché national, soutiennent fermement qu'il n'y aura «pas de pénurie». Mais quel est donc le produit qui est indisponible sur le marché depuis l'ouverture tous azimuts de l'économie nationale ? Depuis que les fruits exotiques sont présents à satiété sur les étals des marchands ? Nous sommes bien loin de la configuration dirigiste du marché quand, en ces années de plomb, le consommateur faisait de longues queues pour une plaquette d'œufs. Le problème aujourd'hui n'est pas celui de la disponibilité des produits mais leur cherté. Autrement dit, la marchandise n'est pas rare mais trop coûteuse pour la majorité des Algériens qui assistent impuissants à une grosse inflation durant ce mois qu'on appelle «sacré» et durant lequel les affairistes du pire acabit se donnent le mot pour saigner le consommateur en prenant soin d'être aux premiers rangs pour les prières surérogatoires. La spéculation, qui bat son plein en majorant de manière insoutenable les prix, est conçue comme un «commerce licite» où… tous les coups sont permis. C'est quand même sidérant de voir que dans un pays autant versé dans la chose religieuse avec des prêches, des causeries et des exégèses occupant largement l'espace médiatique, décrétant quotidiennement le licite et l'illicite, nous en soyons à subir un ramadan où la rapine, le gain facile et la flambée des prix sont considérés comme des exercices tout à fait normaux du commerce. En réalité, le mois de ramadan dévoile et met à nu toutes les grandes carences de l'économie nationale obligée de recourir aux importations massives pour répondre aux besoins gargantuesques des jeûneurs. Les spéculateurs, eux, ne font que rétorquer à une demande très importante de nourriture. Tout est donc permis : la manifestation de la violence, les marges excessives, les «affaires», les importations massives et aussi la charité officielle qui se targue d'avoir augmenté sensiblement le nombre de couffins à distribuer aux démunis. Là aussi nous restons dans la stricte application de l'Islam. Sauf que c'est l'Etat, personne morale, qui fait l'aumône avec l'argent du pétrole. Est-ce licite ? Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.