Interrogation - Mais peut-on parler de touristes quand il s'agit d'Algériens qui débarquent en France ? Dans l'absolu oui dans la mesure où il s'agit d'étrangers qui foulent le territoire français. Mais dans la pratique, le terme de visiteurs ou plutôt de consommateurs leur sied mieux puisque pour la plupart les grandes villes de l'Hexagone ce sont d'abord et avant tout d'immenses marchés où l'on peut s'approvisionner. Sans avancer de chiffres exacts et parfaitement fiables, nous pensons que des millions d'Algériens ont visité au moins une fois dans leur vie la France ou ont transité par une de ses villes, Paris en particulier. Prenons la capitale pour référence car ce qui est valable pour Paris l'est également pour toutes les grandes agglomérations et les grands centres de France. Parce qu'elle est le monument planétaire le plus connu, la tour Eiffel attire forcément du monde et pas un Algérien qui visite pour la première fois ce pays, ne raterait l'occasion de la voir, au besoin de s'y photographier. Cependant, nombre de nos compatriotes n'ont qu'un seul souci — et on les comprend — faire leurs courses, souvent au pas de charge car le séjour coûte très cher. Vous les trouverez bien sûr chez (Tati) quand Tati était ouvert et qu'il faisait des affaires en or grâce aux Africains et aux émigrés. Vous les croiserez dans la populeuse banlieue de Barbès en quête d'articles en solde ou d'une bonne affaire puisque des costumes de marque et authentiquement griffés sont vendus, taille standard, à 60 euros pièce. Vous les croiserez parfois chez les grossistes en textile qui ont fini par les adopter et par leur laisser de substantielles marges sachant qu'au pays le bouche à oreille allait marcher très fort. Mais tout cela n'en fait pas, comme nous le soulignons, des touristes au sens culturel du terme. Combien d'Algériens en visite à Paris ont fait une virée, entre deux emplettes, au château de Versailles, ont parcouru la galerie des glaces, les jardins de Lenôtre ou se sont émerveillés devant la débauche de luxe des souverains de France ? Il n'y en a pas beaucoup. Et combien, parmi tous ceux qui débarquent à l'aéroport d'Orly, ont visité le musée du Louvre, se sont attardés devant le tableau de la Joconde et toutes les œuvres picturales exceptionnelles que renferme ce temple ? Ils se comptent sûrement par quelques dizaines et encore moins ceux qui se sont rendus au musée Grévin. Nous ne parlons évidemment que de la grosse carte postale de Paris qui fait déplacer les foules du monde entier. En fait, force est de constater que nous connaissons mal la France et les Français et que nous passons à côté d'un peuple dont nous ignorons presque tout. Sa langue et ses débats, le professionnalisme de ses journalistes ne nous envoient en fin de compte qu'une image partielle d'une société dont nous n'appréhendons que la partie visible de l'iceberg.