Résumé de la 1re partie - Le soldat propose au roi qu'un de ses compagnons court avec sa fille... Les choses étant ainsi convenues, le soldat ordonna au coureur d'accrocher sa seconde jambe, et lui recommanda de courir sans perdre de temps, et de ne rien négliger pour remporter la victoire. Il était décidé que le vainqueur serait celui des concurrents qui rapporterait le premier de l'eau d'une fontaine située loin de là. Le coureur et la fille du roi reçurent chacun une cruche et partirent en même temps ; mais la princesse avait fait quelques pas à peine, qu'il était hors de vue, comme si le vent l'eût enlevé. Il fut bientôt à la fontaine, y remplit sa cruche et se remit en route. Mais au milieu du trajet il se sentit fatigué, et posant la cruche à terre, il se coucha pour faire un petit somme; seulement il eut le soin de mettre sous sa tête un crâne de cheval qu'il trouva par terre, afin que la dureté du coussin ne tardât pas à l'éveiller. Cependant la princesse, qui courait aussi bien que peut le faire une personne à l'état naturel, était arrivée à la fontaine, et elle se hâtait de revenir après avoir rempli sa cruche. Elle rencontra le coureur endormi. «Bon, se dit-elle joyeusement, l'ennemi est entre mes mains.» Elle vida la cruche du dormeur et continua son chemin. Tout était perdu, si par bonheur le chasseur, posté sur le haut du château, n'avait pas vu cette scène avec ses yeux perçants. «Il ne faut pourtant pas, se dit-il, que la princesse l'emporte» et, d'un coup de sa carabine, il brisa sous la tête du coureur, et sans lui faire aucun mal, le crâne du cheval qui lui servait d'oreiller. L'autre, se réveillant en sursaut, s'aperçut que sa cruche était vide et que la princesse avait déjà pris une grande avance. Mais sans perdre courage, il retourna à la fontaine, remplit de nouveau sa cruche et fut encore arrivé au terme de sa course dix minutes plus tôt que la princesse. « A la fin, dit-il, j'ai vraiment remué les jambes ; ce que j'avais fait auparavant, je n'appelle pas cela courir. » Mais le roi et sa fille étaient furieux de voir que le vainqueur était un misérable soldat licencié, ils résolurent de le perdre, lui et tous ses compagnons. Le roi dit à sa fille : «J'ai trouvé un bon moyen : n'aie pas peur, ils n'échapperont pas.» Puis, sous prétexte de les régaler, il les fit entrer dans une chambre dont le plancher, les portes et les fenêtres étaient en fer. Au milieu de l'appartement était une table chargée d'un repas somptueux. «Entrez, leur dit le roi, et régalez-vous bien.» Et quand ils furent à l'intérieur, il fit fermer et verrouiller toutes les portes de l'extérieur. Puis il donna l'ordre à son cuisinier d'entretenir du feu sous la chambre, jusqu'à ce que le plancher de fer fût tout à fait rouge. L'ordre s'exécuta, et les six compagnons qui étaient à table commencèrent à avoir chaud ; ils crurent d'abord que cela venait de l'activité avec laquelle ils mangeaient; mais la chaleur augmentant toujours, ils voulurent sortir et s'aperçurent alors que les portes et les fenêtres étaient fermées et que le roi avait voulu leur jouer un mauvais tour. «Mais son coup sera manqué, dit l'homme au petit chapeau, car je vais faire venir un froid devant lequel il faudra bien que le feu recule.» Alors il posa son chapeau tout droit sur sa tête, et il vint un tel froid que toute la chaleur disparut et que les plats gelèrent sur la table. (A suivre...)