Genèse Tout a commencé par un après-midi d?automne, dans une petite ferme près de Aïn Kermess, dans la wilaya de Tiaret. Alors qu?il labourait péniblement une terre aride et avare qui donnait à peine dix quintaux de céréales à l?hectare, Hachemi, un brave et solide paysan, sentit brusquement, contre le soc métallique de sa vieille charrue, un obstacle plutôt inattendu dans la mesure où il avait chassé toute la rocaille de son lopin. Avec ses grosses mains en guise de pelle, il essaya de dégager son soc et, à son grand étonnement, il découvrit que son attelage était immobilisé par une vieille jarre. Il faillit tomber à la renverse quand il en découvrit le contenu : plus de 600 louis d?or, des bagues, des chaînes et des dizaines de doublons Napoléon pour une valeur globale de l?époque (1950) de l?ordre de 45 millions de centimes soit, au taux actuel, l?équivalent de 5 milliards de centimes. Sans perdre la tête et avec un sang-froid dont il ne s?était pas cru capable, Hachemi enfouira son trésor de nouveau et continue à travailler ? avec un peu plus d?ardeur, il est vrai ? comme si de rien n?était. Invoquant une vague histoire de succession foncière et un testament dont il serait le destinataire et le légataire, il vendra sa terre, sa fermette et ses dépendances pour une bouchée de pain et ira s?installer dans le Tell, c?est-à-dire dans le nord. On ne saura jamais où et personne ne le verra plus jamais. Comment le secret de ce trésor a-t-il été éventé ? Mystère et boule de gomme. Ce qui est sûr, c?est qu?il enflammera bien des imaginations, de Teniet el-Had dans l?Ouarsenis jusqu?au Djebel Amour à Aflou. Tout le monde se mettra à creuser sa petite parcelle. On fera des trous partout. Certains paysans, plus avides que d?autres, appelant à la rescousse des talebs grassement payés. Ni les pioches des uns ni les incantations des autres ne mettront à jour le moindre «kenz». Les milliers de travailleurs et de saisonniers marocains installés ici parce que chassés par la misère et les événements que vivait la monarchie alaouite à cette époque-là se mettront, à leur tour, de la partie en orientant, dès le départ, les recherches vers, prétendront-ils, des sites appropriés : déserts sauvages, près d?un point d?eau car le djinn qui protège le trésor a besoin de ces trois éléments. Là encore, tout le monde foncera tête baissée vers tout ce qui ressemblerait au site conseillé. Rien. Pas la moindre jarre. Pas le plus petit louis d?or ou un quelconque doublon. Seul un sujet de Sa Majesté, maçon occasionnel de son état, serait tombé sur le jackpot. Du moins, c?est ce qu?a toujours soutenu la rumeur, étayée par le brusque changement de mode de vie de l?intéressé, qui disparut un matin sans laisser de trace. Il s?appelait, lui aussi, Hachemi.