Résumé de la 2e partie n La greffière conseille à Françoise de plaider coupable pour que la période de probation soit moins longue... Vous avez raison, dit la greffière. Reprise de l'audience. C'est la greffière qui répond «coupable» à la place de Françoise, mais en ajoutant : — Si je puis me permettre, Votre Honneur, compte tenu de l'ignorance dans laquelle se trouvait l'accusée concernant la législation de notre pays, nous voudrions solliciter de votre bienveillance une dispense d'amende. — Faveur accordée, dit le président. Vous pouvez vous retirer. Mais Françoise n'est pas venue jusque-là pour rien. — Avant de sortir, Votre Honneur, je voudrais vous poser une question. — Je vous écoute. — Pouvez-vous m'expliquer pourquoi l'auto-stop est interdit à Orlando ? — Pour deux raisons : d'abord pour éviter la prostitution ; ensuite pour réduire la criminalité. Sachez qu'il y a beaucoup d'agressions à Orlando. C'est donc une mesure de protection du citoyen. Tout cela, Miss, c'est pour votre sécurité. Et il ajoute en français, avec un drôle d'accent : Pour votre sécurité. Une fois hors de la salle d'audience, Françoise demande à un planton de l'aider à repérer sur la carte la limite à partir de laquelle l'auto-stop est autorisé. C'est alors qu'elle entend, venant de la salle 401, une sorte de violent claquement suivi de cris. La grande porte de la salle s'ouvre à toute volée, et un policier en surgit, poursuivi par un homme en blouson armé d'un revolver. Trois nouveaux coups de feu partent ; les deux hommes disparaissent en courant. Sans prendre le temps de réfléchir, Françoise se précipite alors dans la salle 401, où elle découvre un étrange spectacle : tout le monde, président compris, est à plat ventre sous les tables et les bancs. Au même moment, une nouvelle détonation retentit, apparemment toute proche. Comme un seul homme, les personnes allongées se relèvent alors et courent se claquemurer dans les deux bureaux du fond dont ils verrouillent les portes. Françoise n'a pas encore bien réalisé ce qui se passe ; elle s'avance dans l'allée centrale et là, ce qu'elle découvre la glace de stupeur : un homme, le gros policier au chewing-gum, gît à terre, le crâne fracassé dans une grande flaque de sang noir. II n'est pas mort et râle faiblement. Nouveau coup de feu, encore plus rapproché. La porte du fond, à gauche, s'entrebâille, et un visage de femme apparaît : — Venez vous mettre à l'abri, crie-t-elle. Vite ! Toujours aussi inconsciente du danger, Françoise se dirige sans précipitation vers la porte qu'on referme à double tour dès qu'elle en franchit le seuil. Dans le petit bureau bondé, c'est la panique : les femmes sanglotent, des hommes restent prostrés ; quant au juge, il tourne comme un lion en cage en répétant : — My God, my God. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible, my God ! Avec l'aide d'une secrétaire, Françoise tente d'appeler une ambulance pour le policier mourant. Il s'écoulera deux bonnes heures avant que le tueur fou soit arrêté et que le calme revienne dans les locaux du tribunal ; Françoise mettra cette longue attente à profit pour s'expliquer avec le juge effondré : — Voyez-vous Sir, depuis un an que je suis aux Etats-Unis, j'ai parcouru plusieurs dizaines de milliers de kilomètres en auto-stop sans le moindre danger. Et, la première fois que je mets les pieds dans un tribunal, j'assiste à une tuerie effroyable. Avouez que ça fait réfléchir ! Mais le président n'a pas la tête à réfléchir. — Ce n'est pas possible, dit-il seulement. My God ! Pierre Bellemare