Sans concessions, Redha Souilamas, un médecin algérien spécialiste en chirurgie thoracique, au parcours exceptionnel, éclaire le lecteur dans La couleur du bistouri, publié aux éditions Naïve. Ce livre, écrit à travers son histoire professionnelle, revient sur l'hostilité et les embûches que rencontrent les médecins issus de l'émigration, pour la plupart des Maghrébins et des Africains dans le milieu médical français. L'auteur narre l'itinéraire d'un jeune médecin algérien, Abenserradj, venu à Paris à la fin des années 1980 pour se spécialiser en chirurgie. Il découvre, au fil du temps, que pour être autorisé à exercer, les compétences ne suffisent pas et qu'il faut en plus «se montrer digne de la confiance des autochtones, les encourager par des signes qu'il faut sans cesse inventer pour arriver à être, peut-être, un jour, des leurs, c'est-à-dire un vrai médecin». Dans un style épuré, souvent caustique, Redha Souilamas dévoile ainsi le plafond de verre qui frappe les médecins issus de l'émigration en France et dresse un tableau sans complaisance du fonctionnement archaïque du système médical français. «Les hôpitaux sont pleins de patients à soigner et il n' y a pas assez de médecins pour le faire», souligne Redha Souilamas dans son livre, révélant qu'en France pourtant, la démographie médicale est faible, alors que les médecins étrangers sont prêts à l'emploi, mais ne sont sollicités que dans un cadre très restrictif. «On ne se présente jamais comme il faut : trop diplômé, on inspire la crainte et le rejet, la connaissance n'est jamais une bonne chose quand on vient d'où nous venons. Pas assez, on ne peut pas avoir de responsabilités auprès des patients», relève l'auteur. Ce dernier évoque la décision prise par les autorités sanitaires, à savoir concocter un statut jusque-là inédit, exclusivement réservé aux médecins étrangers sous l'appellation de «Praticien adjoint contractuel», en somme un statut de deuxième collège. «Dans ce livre, j'ai relaté vingt ans d'expérience pour essayer de comprendre si c'est nous qui sommes inadaptés ou la société dans laquelle nous vivons qui n'a pas digéré certains paramètres qui l'empêchent de nous voir comme des gens à part entière», a-t-il ajouté.