Superstition - Evoquant la légende d'Aguelman selon laquelle quiconque escalade l'un des massifs, disparaît à jamais, les aventuriers se défient l'un l'autre de tenter l'expérience. Aussitôt le dîner avalé, Sana s'est glissée sous sa tente, avec le même prétexte de fatigue. Hafed, assis près du feu, emmitouflé dans un épais chandail à rayures, réfléchit. Cela fait cinq ans maintenant que Sana et lui sont mariés. Jusqu'ici, tout va très bien, du moins pour lui. Quand ils se sont connus à l'université Sana semblait très amoureuse. Puis, au fil des années, il sent que ses sentiments à elle se sont refroidis, bien qu'en apparence il n'ait rien à lui reprocher. Elle est toujours prévenante, attentive, mais sa spontanéité envers lui a disparu. Et maintenant, cette complicité qui semble exister entre elle et son ami est comme un coup de couteau que Hafed ressent en plein cœur. D'abord, il décide de lui en parler franchement, mais il se ravise, attendant d'autres preuves. C'est un homme posé, prudent, qui ne se lance jamais à la légère... Il revient en arrière et s'aperçoit, en pensant à Brahim, que ses visites dans leur petit appartement de Birmandreis se faisaient plus fréquentes que par le passé... «Serait-ce à cause d'elle ? songe-t-il, amer... Brahim est un ami d'enfance, un frère, comment pourrait-il... C'est impossible !» Quand il émerge du tourbillon de ses pensées, il est seul près du foyer. Il ne s'était même pas rendu compte que ses amis s'étaient couchés. Il se lève à contrecœur et, sous la tente, roulée dans un son sac de couchage, sa femme semble profondément endormie... Partagé entre des sentiments contradictoires, Hafed ne trouve le sommeil qu'au petit matin et il s'éveille de mauvaise humeur, les yeux cernés. — Tu as mal dormi Hafed... Es-tu malade ? lui demande Sana en lui ébouriffant les cheveux. — Non, ça va bien ! bougonne-t-il, résistant à l'envie de lui jeter à la figure son «infidélité». Mais a-t-il seulement une preuve tangible ? Et, de nouveau, des idées contradictoires s'entrechoquent dans sa tête, le rendant encore plus sombre. — Ooh ! qu'est-ce que tu as, Hafed ? lui lance Fateh, quand il le voit renverser son café sur le sable avant d'en avoir pris une gorgée. L'autre ne répond pas. Silencieux, Brahim se contente de le regarder de temps à autre et ces coups d'œil en biais exaspèrent encore plus son ami. (A suivre...)