Le cinéma algérien d'expression amazighe a une vingtaine d'années d'existence. «Il a été propulsé par des professionnels qui ont revendiqué ce segment : tamazight à l'écran comme tamazight à l'école», rappellera El-Hachemi Assad, commissaire du Festival. Il ajoutera : «Ils ont fait en sorte de faire aboutir des projets et, depuis, il y a une émergence de ce cinéma qui a un parcours accompli ; il est encouragé, il a trouvé son espace légitime.» Depuis la première production cinématographique en langue amazighe jusqu'à nos jours, la moisson filmique ne cesse, d'année en année, d'être foisonnante. D'où la question : le cinéma amazigh est-il plein, abouti ou bien en construction ? «C'est un jeune cinéma. Je le définis comme un cinéma en gestation», dira El-Hachemi Assad. Celui pour qui le cinéma amazigh est un segment de la cinématographie algérienne, dira que ce cinéma s'inscrit dans une dynamique continue. «Le Festival a créé une dynamique, il travaille dans le sens où il donne du crédit à la relance du cinéma algérien», soutient-il, et d'abonder : «Le ministère de la Culture, soucieux du développement de la production filmique, prend en charge ce cinéma naissant. La tutelle a, en effet, pris part au financement des films amazighs, et le Festival accompagne cette dynamique de nos réalisateurs, de nos producteurs...» El-Hachemi Assad regrette que les promoteurs privés ne soutiennent pas vraiment la production filmique. «Il faut que les privés s'impliquent davantage», déclare-t-il, et de poursuivre : «Il faut donner plus de moyens pour soutenir la création, donc la production. Il faut encourager et accompagner cette jeunesse qui veut porter à l'écran son amazighité. Cette jeunesse trouve au sein du Festival, un cadre d'expression de par les ateliers de formation organisés. Il est important de capter ces talents pour leur donner des espaces de formation. Car sans eux, l'avenir de ce cinéma est compromis.» On dit que le cinéma algérien connaît une crise de scénario, qu'en est-il du cinéma amazigh ? A cette question, El -Assad répondra : «Le topo est le même. Je pense que la crise du cinéma, c'est aussi le texte, d'où cette initiative du Festival de consacrer chaque année, outre la compétition pour les films, celle pour les scénarios. C'est la 4e année consécutive qu'on organise le concours scénario.» Placé cette année sous le thème : «Vivre le cinéma des hommes libres», le festival se poursuivra jusqu'au 28 mars et sera entièrement dédié au regretté Abderrahmane Bouguermouh, pionnier du cinéma algérien d'expression amazighe, avec La colline oubliée, un film adapté du roman éponyme de Mouloud Mammeri. - A la question de savoir pourquoi le privé ne s'implique pas dans la production filmique, El-Hachemi Assad répondra : «Le producteur est un entrepreneur. Il doit prendre des risques. Mais quand le producteur trouve un jeune qui veut faire un cinéma de qualité et qu'il présente un scénario valable, alors il est partant. Il n'est pas frileux quant au financement d'une production. Certes il doit y trouver un intérêt pécuniaire, mais s'il trouve un scénario de qualité, il le produit.» Le cinéma amazigh, segment du cinéma algérien, a-t-il sa place dans le cinéma arabe ? «Le cinéma amazigh y trouve sa place. Il est bien perçu ; c'est une découverte, une tendance ; beaucoup de festivals consacrent une programmation spécifique et laissent carte blanche au film amazigh... Nous sommes invités au Maroc, en France, au Liban, en Irlande, en Grèce... Beaucoup de programmateurs et journalistes étrangers (Niger, Burkina Faso, Jordanie, Egypte...) souhaitent venir couvrir le Festival.» En d'autres termes, les promoteurs du cinéma algérien d'expression amazighe, en misant sur la qualité et en se présentant en format professionnel, travaillent de manière à lui permettre de trouver sa place sur la scène internationale. - Le concours comprend des scénarios écrits dans les trois langues : amazighe, arabe et française. «Scénarios en arabe, en français et en amazigh trouvent leur place dans la compétition du festival», dira El-Hachemi Assad, et de souligner : «On retient cinq projets, et ces cinq sélectionnés sont conviés à une résidence d'écriture (réécriture de leur scénario). De là, on peut présenter, à l'occasion du prochain Festival, un cas concret d'un scénario parrainé par le festival. Quand on investit dans un jeune, ce n'est pas pour un résultat immédiat, c'est à long terme ; le festival a ouvert la voie aux jeunes, il a essentiellement une vocation pédagogique.» Ainsi, le scénario sans distinction de langues y trouve sa place. «Le plus important c'est que ce soit une thématique qui traite de notre quotidien, de l'Algérie, des fléaux de la société ; quelle que soit la langue, le scénario est pris en charge ; le plus important est de donner cet outil théorique qui manque à nos jeunes. S'agissant de la réalisation, ils sont autonomes ; chacun prendra son envol, chacun choisira son producteur, mais le travail de fond consiste à présenter un scénario répondant aux normes.»