Débat n Parler aujourd'hui du cinéma algérien, c'est aborder manifestement la cinématographie amazighe. Cela suggère la délicate et polémique question qui alimente les débats : le cinéma amazigh fait-il partie de la cinématographie algérienne, ou bien serait-il une expression artistique à part ? S'exprimant sur cette question, El Hachemi Assad, directeur de la promotion culturelle au Haut Commissariat à l'amazighité, estime : «Le cinéma amazigh est incontestablement un segment du cinéma algérien», ajoutant : «Cette question a suscité autant de débats que de polémiques, parce qu'elle chevauche sur des sujets traitant des sujets relatifs à l'identité nationale, à l'idéologie de l'Etat, à la politique culturelle, aux revendications citoyennes et enfin aux langues nationales et officielles.» «Les plus zélés diront que le cinéma d'expression amazighe est sans fondement. C'est une création d'associations militantes et de certains partis politiques, dans le but de développer un certain particularisme», poursuit-il. El Hachemi Assad souligne que «ce refus ne peut donc s'expliquer que par l'idéologie unilingue, panarabiste…» Et d'estimer une fois encore que le cinéma amazigh est un cinéma authentiquement algérien sauf qu'il est d'expression amazighe. C'est donc la langue qui fait sa différence, mais il ne peut en aucun cas se différencier des autres cinématographies du monde. El Hachemi Assad reconnaît, en revanche, que le cinéma de langue amazighe porte en soi cette empreinte afférent au régionalisme. «Ce cinéma est jeune, et c'est vrai qu'il y a cette revendication d'inscrire la dimension de l'amazighité à l'écran», dit-il, ajoutant : «Il y a ce souci effectivement d'y exprimer la langue et la culture amazighes». Le cinéma de langue amazighe s'avère typiquement ethnographique. C'est un cinéma qui montre et décrit la culture amazighe, et cela à travers son patrimoine matériel et immatériel. C'est un cinéma qui s'inscrit dans un folklorisme largement démonstratif. La raison de la surenchère de l'amazighité trouve son origine dans la frustration culturelle. «C'est parce qu'il y a eu, par le passé, l'exclusion, le déni identitaire», explique-t-il. Il y a également ce souci de réhabiliter et de se réapproprier l'amazighité dans son histoire et à travers les personnages historiques comme Si Mohand Ou M'hand ou les rois numides», d'où des films réalisés à cet effet. Il se trouve, toutefois, que la nouvelle génération de cinéastes, notamment les jeunes, s'écarte de la vision ethnographique ou folklorique du cinéma, pour s'investir avec autant d'imagination que de créativité dans une cinématographie vivante et actuelle. «Aujourd'hui, les jeunes, indique-t-il, préfèrent aborder des sujets liés au moment et parlant de la société algérienne dans sa globalité.» Ainsi, on n'est plus dans une cinématographie géographiquement et culturellement limitée, une cinématographie qui adhère à des comportements régionalistes, mais il s'agit d'un regard porté sur l'ensemble de l'entité territoriale et culturelle algérienne. «C'est un cinéma qui raconte la réalité algérienne, en langue amazighe», dit-il. Ensuite, El Hachemi Assad soutient d'emblée que des jeunes s'essaient, de plus en plus, dans un cinéma expérimental, un cinéma s'inscrivant dans une contemporanéité innovatrice. l S'inscrivant dans une approche pédagogique, celle d'initier les jeunes talents au 7e art et de développer pleinement le cinéma à travers des ateliers de création ou de programmes de soutien à la production, le festival du film amazigh se veut un espace favorisant la promotion de la cinématographie d'expression amazighe et, ensuite, il s'emploie à créer une dynamique visant à encourager, en général, la création et la pratique cinématographique en Algérie. «Nous ne nous cantonnons pas dans une vision invitant les cinéastes à réaliser des œuvres en tamazight et sur le monde amazigh, mais nous nous voulons être visiblement ouverts à toutes les suggestions, pourvu que le scénario soit bon», déclare El Hachemi Assad, également commissaire du festival du film amazigh. Et d'ajouter : «Il faut être à l'écoute des jeunes talents, leur offrir la possibilité de créer et de produire et d'entreprendre de nouvelles expériences esthétiques, d'envisager de nouveaux imaginaires thématiques et d'assumer des techniques d'approches de plus en plus individuelles. En fait, nous travaillons de manière à ce que nous soyons complémentaire.» Ainsi, le cinéma amazigh se révèle un complément de la cinématographie algérienne, une cinématographie venant revendiquer clairement et pleinement l'Algérie dans sa diversité culturelle et historique, fait qu'on appelle communément l'algérianité.