Peur - Pas âme qui vive sur le pont où Azzouz, maintenant effrayé, s'aventure la nuit, pour relever le défi. Puis, au bout d'un moment, il bute contre quelque chose de mou, comme un corps à terre, et il est sur le point de tirer. Mais il se ressaisit. «C'est peut-être un clochard qui dort.» Il continue, et il sent que la peur commence à l'envahir malgré le revolver à son poing. «J'ai l'impression que quelque chose me suit !» Il se retourne, s'immobilise sur une marche, mais il n'y a rien. Seul un courant d'air, qui semble venir de la cage de l'ascenseur, lui frôle la joue. «Ces escaliers n'en finissent pas !» Enfin, il arrive sur le pont. La main dans la poche serrée sur son arme, il avance sur le pont éclairé par les étoiles. Il regarde de l'autre côté, mais ses amis ne sont pas encore là. «C'est trop loin, en faisant le tour.» Il marche au milieu du pont pendant un court moment et il sent comme une menace venant dans son dos, du côté de l'escalier. Il se retourne mais ne voit rien, hormis l'ouverture sombre de la tête du pont. Puis il entend, soudain, un pas de talons aiguille, distinctement, dans son dos : tac, tac, tac... Le bruit avance, grandit, et Azzouz, tétanisé, n'ose pas se retourner. Il sent sa nuque se glacer d'effroi. Tac, tac, tac ! Et soudain, à deux mètres de lui, sur sa gauche, surgit une silhouette qui le dépasse. Azzouz ose à peine bouger les yeux, sans cesser de marcher comme un automate. Horrifié, il voit une femme moulée dans une robe sombre marcher devant lui, ses longs cheveux blonds dans le dos, balancés par le mouvement de ses hauts talons. Puis soudain, la femme se retourne et s'arrête, lui faisant face. Azzouz stoppe, au bord de l'évanouissement. La femme très maquillée, avec une bouche très rouge, le regarde et sourit. Puis elle lui tend la main. Elle est plus grande et plus forte que lui, dans sa robe décolletée. Elle va le saisir quand, dans un ultime sursaut, Azzouz presse sur la détente sans viser. Un coup de feu troue la nuit et l'apparition, d'un bond, se précipite sur le parapet et s'élance dans le vide avec un cri horrible. — Nous arrivons ! Qu'y-a-t-il ? Tu as tiré ? Tu as vu quelque chose ? Les questions se précipitent, mais pendant un long moment Azzouz, livide, ne peut parler. — Il est sous le choc, dit quelqu'un. On l'entoure et il s'assied sur le bord du ravin, du côté de la route. Quand enfin il peut parler, il murmure, les yeux exorbités : — Je l'ai vue, la rohania, elle existe vraiment, je l'ai vue !