Orgueil - El-Hadja Khedidja contemple ses filles tour à tour, avec dans les yeux une lueur de fierté. Quand les quatre sœurs venant de Skikda arrivent à Siouène, elles trouvent El-Hadja Khedidja assise devant la porte du logement de son fils, attenant aux deux salles de classe de l'unique école du petit village. Habitués à leurs logements humides de Stora, elles s'installent dans la cour cimentée, sous les hauts peupliers, pour profiter de l'air pur de la montagne qu'elles respirent à pleins poumons, promenant un regard heureux tout autour d'elles. — Vous avez tardé à venir ! leur lance leur mère, en les regardant une à une avec une lueur de fierté dans ses petits yeux larmoyants. Je suis là depuis trois jours ! — Nous nous sommes arrêtés un moment à la source et nous nous sommes rafraîchis ! répond son gendre Ali en déchargeant la malle de sa voiture. — Si tu avais vu l'eau de cette source, maman... D'ailleurs, nous avons rempli nos bouteilles de cette eau pure comme le diamant ! Tiens, goûte ! — Elle ressemble à la source de Yarjana, conclut la vieille femme... C'est le même goût... Elle repose la bouteille et demande : — Qu'avez-vous apporté pour la fiancée de votre frère ? Je l'ai aperçue de loin à la fontaine... — Comment est-elle ? — Elle a l'air solide, forte... Mais son visage, je n'ai pu le voir de près... —L'essentiel est qu'elle soit sérieuse et travailleuse... «La beauté n'a jamais construit un foyer !» A la nuit tombée, après le dîner fait d'une bonne «chakhchoukha» à la viande de mouton ramenée de Skikda, les femmes se préparent à se rendre au domicile de Mounira, pour la voir, la jauger et, si elle leur plaît, demander sa main et faire la «fetha». Car selon l'usage, même si elle a plu à leur fils Saïd, un enseignant du primaire à Siouène, rien ne peut se faire sans l'acquiescement de la famille, et surtout des femmes. (A suivre...)