Démarche - Les sœurs de Saïd et leur mère s'apprêtent à demander la main de Mounira, si toutefois elle leur plaît. Malika, la femme d'Abdelkrim, porte un sac de cuir contenant une gandoura, une «doukhla», assortie d'une bouteille de parfum, de henné et de dragées contenues dans une boîte enrubannée. Dans son sac à main, une enveloppe avec une somme d'argent qu'elle remettra à la jeune fille, même si elle ne gagne pas leur approbation... C'est le prix de la «choufa», pour la dédommager de s'être exposée à leurs regards. Malika glisse à son petit doigt boudiné une bague portant une perle blanche, qu'elle remettra éventuellement à la fiancée de son frère. — Vous êtes prêtes ? demande Rabah, le mari de Zahoua. Ils nous attendent ! Alors, la procession s'organise : en tête les hommes, précédés de Saïd tenant une lampe de poche car l'obscurité est presque totale dans le hameau aux persiennes closes ; puis viennent les quatre sœurs et leur mère, se tenant la main pour ne pas trébucher sur le chemin caillouteux. — Comment peux-tu reconnaître ta route, dans une telle obscurité ?, demande Abdelkrim à Saïd. — Il a l'habitude, dit Rabah dans un rire. Quelques youyous fusent dans le noir, et la compagnie s'ébranle vers l'autre bout du hameau. On sent la présence silencieuse de gens qui épient ce groupe étrange avançant lentement dans la nuit, précédé d'une lampe-torche. De temps à autre, une des sœurs bute sur un caillou avec un petit cri, tandis que leur mère, habituée aux montagnes de Yarjana, avance sans difficulté, en se moquant de ses filles. — Vos pieds sont habitués aux rues de la ville, mes pauvres ! Quand ils arrivent près de la maison de Mounira, ils trouvent la porte grande ouverte, éclairant la cour. Le groupe est accueilli par quelques youyous et pénètre dans les deux pièces du logement. Quelques femmes sont là, accueillant les sœurs à bras ouverts, visiblement heureuses. Leur fille va épouser un homme de la ville, un enseignant. (A suivre...)