Soulagement - Enfin, el-hadja Khedidja pousse un youyou. Mounira soupire. C'est le signal pour les hommes de dire la «Fatiha». La mère de Mounira exulte. — Inch'Allah elle vous apportera la baraka ! — Notre seul désir, c'est qu'elle soit une bonne épouse pour notre frère. Il habite loin de nous, et il lui faut une femme «fehla». En entendant les youyous, tout le hameau aux maisons de toub, serrées les unes contre les autres, a compris que les «citadins» avaient accepté Mounira. Les langues, alors, se délient dans les modestes logis. — Elle en a de la chance Mounira, elle ira en ville ! — Tu as vu leurs voitures ? Et leurs gandouras ! Et leurs bracelets, et leurs ceintures en or ! — Ce sont de belles femmes ! — Mounira sera comme elles ! Et la procession repart, précédée par un groupe d'hommes de la famille de Mounira, qui ouvre le chemin, marchant dans l'obscurité comme en plein jour. — Tu aurais dû nous consulter, ma, avant de pousser ton youyou... On aurait dû parler avec Saïd avant... — Oh, vous ! Qu'est-ce qui lui manque à cette fille, hein ? Elle est en bonne santé, bien en chair, elle «remplit» sa robe, c'est l'essentiel ! — Tu as vu cette maison ? Et sa mère ? De vrais paysans ! — Moi aussi, votre mère, je viens de la campagne ! N'oubliez pas vos origines. La vieille Khedidja reste encore quinze jours avec son fils à Siouène. Tous les matins, se remémorant le passé, elle revêt une gandoura bien propre, serre ses cheveux dans son foulard assorti, et va faire un tour du côté de l'unique fontaine de Siouène où coule l'eau de la source, si pure et si fraîche. Toutes les femmes présentes, qui vont s'y approvisionner, la saluent respectueusement, l'appelant «Oum Echikh». Certaines, portant des seaux d'eau sur la tête, se baissent légèrement pour l'embrasser et el-hadja reçoit, à chaque fois, quelques gouttes d'eau sur son foulard, en riant. (A suivre...)