Féerie - Silencieux, les touristes contemplent le miroir limpide où se reflètent ombres et lumières. «Tu es sûr que ce n'est pas un mirage ?», s'exclame Françoise avec un sourire. Son mari lui serre la main mais ne dit rien, subjugué par la beauté du paysage qui s'offre à leurs yeux. Sous la haute dune de sable orangé, la palmeraie de Beni Abbès, une des perles de la Saoura, s'étend un havre d'ombre et de fraîcheur comme miraculeusement sorti de terre au milieu de la fournaise du désert. Au-dessus des maisons blanches et ocres, serrées les unes contre les autres, aux fondations profondes, les larges branches des milliers de palmiers aux sommets touffus s'entrecroisent, comme pour les protéger du soleil implacable. Tout de suite, le groupe de touristes belges venus en voyage organisé depuis Bruxelles, laissant les chauffeurs garer les Land-Rover à l'ombre, se dirigent derrière le guide vers l'endroit le plus visité de la région et qui fait sa réputation : les eaux de Beni Abbès. Dans ce lieu béni, c'est d'abord la pureté extraordinaire de l'eau coulant lentement dans les bassins naturels, sortie du fond des grottes comme un don divin venu donner la vie au milieu de l'aridité du sable qui frappe le plus. Les touristes, d'abord silencieux, contemplent un moment le miroir limpide où se reflètent les ombres et les lumières des grottes, tantôt vertes, tantôt bleues au-dessus du fond de cailloux noirs et brillants. Puis, avec des exclamations de plaisir, ils se précipitent dans l'eau basse, s'aspergeant et s'éclaboussant comme des enfants. «Elle est fraîche ! C'est extraordinaire», s'exclame une grosse blonde entre deux âges, aux cheveux courts et raides, l'air hommasse dans sa tenue kaki. Amusé par toute cette agitation, le guide ne peut retenir un sourire. Françoise s'éloigne un peu du groupe et s'avance dans le bassin à la rencontre de l'eau, s'enfonçant dans la grotte de plus en plus sombre. «Sortez de l'eau, Madame, il ne faut pas la souiller !» Cette phrase, venue de nulle part, fait sursauter la jeune femme. Elle s'immobilise, regardant à droite et à gauche. (A suivre...)