Le verbe signifiant «manger» est l'un des plus employés dans les langues algériennes. Il est vrai que «manger» occupe une grande partie du temps et des préoccupations, mais la nourriture est également associée à toute une série d?actions plus ou moins en rapport avec elle. Commençons par les termes. L?arabe et le berbère possèdent leur verbe générique kuI pour le premier et etch pour le second, avec des verbes expressifs comme degdeg (casser menu) ou rtâ (brouter), communs aux deux langues. Evidemment, les verbes expressifs sont employés dans des contextes familiers. On ne dit pas à un invité erwah t?degdeg mais erwah? takuI. On emploie aussi des formules élégantes comme tqeddem (avancez) ou tfed'aI (veuillez approcher). Les verbes kul et etch ont aussi le sens de «démanger». La démangeaison, quand elle concerne certaines parties du corps, a un sens prémonitoire : la main gauche qui démange annonce une entrée d'argent et la droite une dépense, la plante du pied annonce un départ ou un voyage, le sourcil droit signale qu'on est l'objet de louanges, le sourcil gauche de médisances, etc. Il s?agit là de restes de physiognomonie ou prémonition par les parties du corps, une science autrefois florissante. Les verbes kuI et etch ont aussi le sens de «se réaliser» : klat et tetcha signifient «ça a marché, l?affaire est dans le sac !». On le dit aussi pour un marché que l?on conclut, qu?il soit honnête ou pas. Qui ne risque rien n?a rien et ne dit-on pas aussi, qu?il faut tenter même si on n?obtient rien : ula klat klat, ula makach, tegsira (si ça marche, c'est bien, si ça ne marche pas, on n'a rien dit) !