Résumé de la 67e partie - Pour Marcelle, le père Heurteloup est mort non pas de sa cirrhose au foie, mais d'une tumeur rénale... Christiane, enfoncée dans un fauteuil, nous écoutait, silencieuse. Elle sortit brusquement de son mutisme pour s'écrier : — Mais c'est affreux, ce cancer, Denys ! Le voilà qui s'attaque maintenant à nos régions ? — Il ne s'y attaque pas, madame, répondit doucement Marcelle. Il y est depuis toujours... comme il est partout ! — Enfin, Marcelle, questionna Christiane, vous n'allez tout de même pas me dire que l'on parlait tant que cela du cancer autrefois ? — Il fut même une époque, madame, où l'on n'en parlait pas du tout parce qu'on ignorait son existence... On ne l'avait pas décelé dans l'organisme humain. Souvenez-vous de ces petits enfants qui étaient emportés en bas âge pour des raisons inconnues : on disait alors dans les campagnes que c'était la faute des «coliques de Miserere» ! Il est à peu près certain aujourd'hui que ces enfants sont morts d'un cancer. — Je vais sûrement vous paraître stupide à tous les deux, poursuivit Christiane, mais j'ai l'impression que le cancer est devenu contagieux et qu'il étend rapidement ses tentacules un peu partout comme une véritable épidémie... — Peut-être avez-vous raison, madame ? Hélas, la réponse à votre raisonnement n'a pas encore été donnée par la Science, répondit simplement mon assistante. Il y eut un court silence suivi d'un moment de gêne indéfinissable que j'aurais voulu dissiper. L'inquiétude très réelle, manifestée par Christiane, n'allait-elle pas se propager un peu partout ? Et je demandai à Marcelle : — J'espère, en tout cas, que vous n'avez pas parlé de cancer à la famille du père Heurteloup. — Une règle absolue veut, docteur, que l'on ne dise jamais la vérité sur ce mal aux parents proches. Cela ne ferait que les affoler inutilement. Et pourquoi jeter la panique en ville quand le mal a déjà accompli son œuvre irrémédiable ? Je ne vous ai donné ici mon opinion sincère que parce que vous me l'avez demandée et que nous étions entre nous... Je vous prie, madame, de ne pas en faire état devant d'autres personnes. — Vous pouvez compter sur mon silence, répondit vivement Christiane qui ajouta : «Ça me fait plaisir que vous n'ayez pas hésité à parler avec Denys de ces choses graves devant moi... Croyez bien que tout ce qui touche la profession de Denys m'intéresse... Je suis très heureuse aussi de penser qu'il a auprès de lui une collaboratrice telle que vous. Il fut décidé, pour éviter d'inquiéter inutilement les gens du pays, que la cause «officielle» de la mort du père Heurteloup serait attribuée à sa cirrhose du foie... Le soir, quand je rejoignis ma chambre, la lumière filtrait sous la porte de Marcelle. Elle avait dû recom-mencer à écrire. Peut-être même notait-elle les observations qu'elle venait de faire au chevet du fermier agonisant. (A suivre...)