Résumé de la 17e partie - Le premier patient que l'infirmière introduit dans le cabinet du docteur est le père Heurteloup... Clémentine resterait désormais dans sa cuisine ou dans la lingerie : ses vrais domaines. Avec Marcelle Davois, les malades se succédaient à un rythme accéléré. Quand j'avais besoin d'une serviette pour une auscultation ou d'un instrument de médecine courante, je n'étais plus obligé de le chercher partout pour savoir où Clémentine avait bien pu le ranger ni de hurler après ma bonne dans toute la maison. En quelques heures, mon assistante avait réussi à faire régner l'ordre : tout était à portée de ma main. Le père Heurteloup venait me voir pour son foie. Un foie qui l'ennuyait depuis des années. La consultation se limitait toujours pour moi à une bonne semonce — Alors, père Heurteloup, c'est encore ce foie qui vous taquine ? C'est bien fait pour vous ! Vous ne voulez pas m'écouter et continuez à boire votre satané calvados !» — «Oh ! docteur, juste quelques "petits coups" de gnôle par-ci par-là...» — «Combien de "petits coups" par jour en moyenne ? Soyez franc, père Heurteloup.» — «Je ne les ai pas comptés... dix ou douze...» — «Un de ces matins vous serez emporté par votre bonne cirrhose du foie et puis c'en sera fini des "petits coups de calva", hein ? Plus de père Heurteloup qui vient voir son ami, le docteur Fortier ! Plus rien qu'un bel enterrement où ce sera la famille qui boira la goutte à votre santé dans l'Eternité... Déshabillez-vous et allongez-vous ici : je vais tâter ce foie.» Bien malade le foie du père Heurteloup ! — «Vous pouvez vous rhabiller. Ça vous a fait mal quand j'ai appuyé avec mon index ?» —«Un peu...» — «Vous êtes dur, père Heurteloup, malheureusement l'organisme humain possède des limites qu'il faut respecter !» Je sonnai : — A partir de demain matin, Marcelle, vous commencerez votre tournée par une visite chez le père Heurteloup qui s'entête à ne suivre aucune de mes prescriptions : vous l'obligerez à avaler à jeun un verre à bordeaux d'eau naturelle dans laquelle vous aurez délayé de la poudre de Bourget, à raison d'un paquet par litre.» — «Bien, docteur.» — «Ça ne doit pas être bien bon, ce médicament !», bougonna le vieux fermier. — C'est salé, père Heurteloup, mais croyez-moi : c'est préférable au petit coup de vin blanc matinal pour laver votre foie et votre vésicule biliaire !... Marcelle, dès que vous aurez introduit le client suivant, vous accompagnerez le père Heurteloup chez le pharmacien pour l'obliger à acheter ses paquets de Bourget et de la teinture de boldo, sinon je le connais : il ne le fera pas ! Quand vous aurez cette petite bouteille, vous prendrez vingt gouttes diluées dans un peu d'eau après chaque repas. Compris, père Heurteloup ? Vous pouvez vous retirer, Marcelle...» Le bonhomme ne disait plus rien. II semblait médusé. (A suivre...)