Inspiration - Le public était au rendez-vous, hier, à la salle Ibn Khaldoun, pour assister, en cette soirée ramadanesque, au spectacle de flamenco organisé par l'Institut culturel espagnol (Cervantès) en collaboration avec l'établissement Arts et Culture. Présenté par la Compañía de flamenco de Úrsula López, ce spectacle, intitulé ‘Abriendo caminos' (en ouvrant des chemins), a suscité, dès l'entame, l'engouement de l'assistance qui, immédiatement transportée jusqu'au cœur de l'Andalousie, a été émerveillée par la manière dont la performance chorégraphique a été exécutée, c'est-à-dire avec art, subtilité et élégance. Trois façons de jouer avec le corps, de le rehausser dans sa beauté comme dans sa splendeur, d'assurer le rythme et de mener avec une superbe adresse le mouvement jusqu'aux cimes de l'expressivité. Une lumière tamisée éclairait la scène ; et dans cet environnement feutré deux danseurs (Ursula Lopez et Christian Lossano), tantôt en duo, tantôt en solo, ont donné libre cours à leur corps ; celui-ci, ferme et direct, à chaque fois mû par une énergie intérieure de plus en plus décuplée, s'est laissé guider, sans retenue, par un bel accompagnement musical : les deux danseurs étaient accompagnés d'un chanteur et de deux musiciens (guitare flamenca et percussions) Le travail présenté par cette compagnie est un mélange de flamenco authentique puisé dans la pure tradition, et celui d'inspiration contemporaine, le tout savamment combiné ; un jeu corporel bien imaginé, typiquement créatif. C'est donc d'un spectacle alliant la grâce de l'art traditionnel du flamenco à l'esprit de performance de la danse contemporaine que la compagnie de Úrsula López a gratifié le public. Dans ce travail fécond et d'une grande originalité rien n'est laissé au hasard, tout, dans le moindre détail, est fait, suggéré. Le mélange de tradition et de modernité a donné lieu à une chorégraphie neuve, renouvelée, très esthétique, proposant ainsi une approche des différentes émotions véhiculées par le flamenco basée sur les prouesses physiques des danseurs dans l'exécution des pas typiques de cet art populaire andalou. L'expression chorégraphique – elle résultait d'un travail rigoureux fait sur le corps, de la persévérance dans le mouvement, de la détermination dans l'exécution – était énergique : il y avait de l'entrain dans la gestuelle des mains, de la ferveur dans le mouvement du corps où les déplacements étaient tantôt amples tantôt resserrés, de la passion et de l'exaltation dans le jeu en soi. Les pas s'exécutaient frénétiquement. Tout le corps s'exprimait brusquement, passionnément, parfois avec violence. Mais derrière cet acharnement, cet excès ou cette brusquerie corporelle, se dissimulait une sensualité, voire une lascivité refoulée. Ursula Lopez et Christian Lossano ont présenté un flamenco loin des représentations folkloriques auxquelles nous sommes habitués : ils se sont distingués dans un jeu fort, naturel et ayant du caractère, par la sobriété de leurs tenues classiques noires ou grises, rompant ainsi avec l'habillement fastueux des danseurs flamenco, excepté pour le dernier tableau du spectacle où Ursula Lopez est remontée sur scène avec une robe rouge vif pour exécuter une dernière danse sur un air enjoué.