Dans la péninsule désertique du Sinaï, devenue base arrière des groupes islamistes, des assaillants ont tiré des roquettes ce matin sur deux minibus de la police, tuant au moins 25 policiers. Cette attaque porte à 75 les pertes des forces de l'ordre dans cette zone depuis la destitution de Morsi. C'est le bilan qui a été fourni par des sources médicales et de sécurité. Cette attaque, la plus meurtrière ayant visé les forces de l'ordre dans cette région depuis plusieurs années, intervient sur fond de grave crise politique en Egypte. Des assaillants soupçonnés d'appartenir à la mouvance radicale islamiste ont ainsi attaqué à la roquette deux minibus de la police dans le nord de cette péninsule instable, où les attaques meurtrières contre les forces de l'ordre se sont multipliées depuis la destitution de M. Morsi le 3 juillet. Le ministère de l'Intérieur a accusé des «terroristes» d'avoir commis cette attaque. L'attentat de ce lundi au Sinaï porte à 75 le nombre de membres des forces de l'ordre tués dans cette région depuis la destitution de M. Morsi. Après l'attentat d'aujourd'hui, l'Egypte a fermé le poste de passage de Rafah vers la bande de Gaza, a annoncé un responsable à la frontière. La semaine dernière, l'Egypte, en pleine crise politique accompagnée de violences ayant fait plus de 800 morts, avait annoncé fermer le terminal pour une durée indéterminée, mais celui-ci avait en partie rouvert avant-hier, samedi. Durant cette même période, l'armée a affirmé avoir tué près de 70 «terroristes» au Sinaï. Des groupes islamistes radicaux ont établi leur base arrière dans cette péninsule essentiellement désertique et majoritairement peuplée de bédouins aux relations difficiles avec le pouvoir central, théâtre en outre de multiples trafics le long de la frontière israélienne. En juillet, l'Egypte avait déployé des forces supplémentaires dans la péninsule pour lutter contre les groupes radicaux. S'exprimant devant des centaines d'officiers, lors d'une réunion tenue, hier, l'homme le plus fort de l'Egypte, le général Abdel Fattah al-Sissi , a promis aux islamistes qui ont choisi la violence une riposte «des plus énergiques», sans considération. «Quiconque imagine que la violence fera plier l'Etat et les Egyptiens doit revoir sa position. Nous ne resterons jamais silencieux face à la destruction du pays», a affirmé le général. Il s'agissait de sa première déclaration depuis le début des affrontements cette semaine entre les forces de sécurité et les pro-Morsi. Hier, les islamistes ont annulé plusieurs de leurs manifestations, évoquant des «raisons de sécurité». Signe du manque apparent d'organisation des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi dont la plupart des dirigeants sont désormais incarcérés ou en fuite, plusieurs communiqués contradictoires ont annoncé l'annulation ou le maintien des neuf cortèges prévus au Caire. L'armée bloquait les grands axes de la capitale, tandis que le ministère des Biens religieux a annoncé que les mosquées seraient désormais fermées en dehors des heures de prières, tentant ainsi d'éviter les rassemblements. Des télévisions ont toutefois montré des défilés. Pendant ce temps, le gouvernement continue d'assurer que les membres de la confrérie pourront participer au processus de transition, tout en précisant qu'il n'y aura «pas de réconciliation avec ceux ayant du sang sur les mains». Même si l'état d'urgence et le couvre-feu nocturne restaient en vigueur, le trafic a repris le matin au Caire, qui a retrouvé ses habituels embouteillages. Les habitants reprenaient le chemin du travail, tandis que des magasins étaient ouverts. Des axes de la capitale restaient contrôlés par des chars de l'armée. Trente-six détenus asphyxiés La police égyptienne a annoncé le décès hier, dimanche de 36 détenus islamistes, asphyxiés par du gaz lacrymogène pendant une tentative d'évasion. Ces 36 détenus, tous des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi, ont péri asphyxiés par les grenades de gaz lacrymogène tirées dans le camion qui les transportait dans l'après-midi vers une prison près du Caire, parce qu'ils avaient kidnappé un officier de police et tentaient de s'évader, a affirmé le ministère de l'Intérieur. Le convoi transportait plus de 600 prisonniers islamistes. Les Frères musulmans ont pour leur part révisé à 35 le nombre de prisonniers tués, alors que l'Alliance contre le coup d'Etat, qui organise les manifestations, avait auparavant dénoncé un «assassinat» et parlé de 52 détenus tués. Des détenus islamistes ont tenté de s'évader dimanche lors de leur transfert d'un commissariat vers une prison de la banlieue du Caire quand des complices ont attaqué leur fourgon, et des assaillants ont été tués, a, de son côté, indiqué l'agence officielle Mena. Dissolution des comités populaires Au Caire, dans un geste d'apaisement, le gouvernement a interdit les «comités populaires», ces milices de jeunes armés prenant pour cible au Caire tous ceux qu'ils pensent être des islamistes — hommes portant la barbe ou femmes intégralement voilées — ainsi que les journalistes étrangers qu'ils accusent de défendre le camp du président Mohamed Morsi, déposé par l'armée. Après les avoir laissés agir pendant des jours, le gouvernement les a accusés dimanche de mener des actions «illégales». L'UE examine le dossier égyptien Les représentants des 28 Etats membres de l'UE se sont retrouvés ce lundi à Bruxelles pour examiner la situation en Egypte. Les ambassadeurs auprès de l'UE chargés des questions de sécurité ont été rappelés d'urgence à Bruxelles à l'appel de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. Les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et de la Commission, José Manuel Barroso, avaient annoncé hier, dimanche, qu'en cas de la poursuite des violences en Egypte l'UE pourraient «réexaminer ses relations» avec ce pays. Les ambassadeurs devraient examiner les options possibles et préparer une éventuelle réunion des ministres des Affaires étrangères des 28. La semaine dernière, le président français François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron s'étaient entretenus par téléphone pour demander en substance «un message européen fort» sur la crise en Egypte. Une des questions mises en avant est la suspension des aides financières. En novembre dernier, l'UE a approuvé un programme d'aide financière de 5 milliards d'euros à l'Egypte pour la période 2012-2014, dont 2 milliards à la charge de la Banque européenne d'investissement et 2 milliards à celle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.