Opinion - «On s'obstine à avoir des résultats probants, sans mettre les moyens adéquats» InfoSoir : La rentrée scolaire 2013-2014 a mal commencé, avec déjà des grèves. Quelles sont, selon vous, les défaillances à combler en priorité ? Meziane Meriane : Les défaillances sont multiples. Le manque d'infrastructures et d'encadrement pédagogiques et administratifs. Le recrutement s'est, encore une fois, effectué sur le tas sans tenir compte des capacités des postulants du côté psychologique et pédagogique, étant donné qu'ils n'ont reçu aucune formation de ce côté-là. Pour exercer en tant que médecin, il faut avoir le diplôme dans le domaine, mais malheureusement pour enseigner on n'exige pas de diplôme d'enseignant ! Les écoles qui formaient les enseignants dans le passé ont disparu. Avec le retard dans la réalisation des infrastructures et en entassant 40 et 45 élèves par classe, comment voulez-vous appliquer une pédagogie différenciée qui s'adapte à chaque enfant ? Comment voulez-vous appliquer une pédagogie de l'aide et de la remédiation qui soutient ceux qui en ont besoin au moment où ils en ont besoin ? Ajoutez à cela, le surmenage occasionné par la surcharge des classes sur les enseignants, ainsi que la baisse de rendement. On constate effectivement que l'Ecole algérienne va très mal. Justement, la surcharge des classes revient encore une fois sur le devant de la scène. Pouvez-vous nous donner quelques indices sur ce phénomène inquiétant ? A la rentrée scolaire 2012-2013 il y avait 609 lycées en construction, la majorité depuis 2005 et certains depuis 2003 ! L'arrivée des deux promotions de l'ancien système et du nouveau système a créé un embouteillage monstre dans les lycées cette année, où la tutelle a réceptionné uniquement 109 nouveaux lycées, ce qui donne en pourcentage de réalisation 17,86%. La surcharge demeure, donc, dans la majorité des établissements à travers le territoire national, mais cela diffère d'une wilaya à une autre. Dans la daïra de Sougueur (wilaya de Tiaret), il y a deux classes de troisième année secondaire de 64 élèves chacune. A Tizi Ouzou, il y a des endroits où des classes sont fermées par manque d'élèves et des endroits à Draâ Ben Khedda, par exemple, où il y a des classes préparatoires de 42 élèves. Partout à travers le pays, les classes sont surchargées ! Les rapports concernant la rentrée parlent de moyenne, mais la moyenne ne reflète pas la réalité. Car, si vous avez 6 classes de 50 élèves et 6 autres de 20 élèves dans une même daïra, la moyenne est de 35 élèves, mais en réalité il y a 6 classes dont les élèves souffrent de la surcharge ! Les syndicats autonomes ont déjà commencé à paralyser le secteur. Qu'en est-il réellement et quelles sont les préoccupations les plus évidentes que le ministère tarde à prendre en charge, selon vous ? Beaucoup d'acquis ont été réalisés grâce à la lutte des enseignants pour faire valoir leurs droits. Toutefois, des bavures subsistent, comme la régularisation des professeurs de l'enseignement technique, la classification des professeurs de l'enseignement secondaire (PES) et des directeurs d'études. Tout cela nécessite la réouverture du statut pour apporter les correctifs nécessaires. Il y a aussi le dossier des logements pour les enseignants, qui est un moyen pédagogique d'accompagnement. Une solution doit être apportée à ce problème, car un enseignant qui vit mal ne peut pas être performant dans son travail. Et là, c'est tout le système scolaire qui est perdant. La lourdeur des cartables, la surcharge des programmes, le transport scolaire et la restauration sont autant de points noirs. On s'obstine, coûte que coûte, à avoir des résultats appréciables sans pour autant mettre les moyens adéquats pour atteindre cet objectif. Pour un enfant, comme pour un adulte, l'apprentissage nécessite la réunion de plusieurs facteurs physiologiques et émotionnels, par exemple ne pas avoir faim, ne pas avoir peur, etc. Des efforts sont réalisés avec les cantines scolaires, mais l'argent public ne profite pas aux enfants pour évoluer dans un environnement favorable à un apprentissage de qualité. Beaucoup reste à faire pour réunir ces conditions. Actuellement, on se focalise beaucoup plus sur le nombre d'élèves scolarisés, tout en négligeant la qualité de l'enseignement. On place la barre très haut, mais malheureusement les compétences requises pour la mise en pratique de tous les mécanismes font défaut ! (*) Coordinateur national du Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest)