On était le 31 décembre. Sur ordre de mon père, j?étais parti de bon matin pour la grande ville voisine acheter divers objets pour la famille. A quinze heures j?avais fini mes achats et je me préparais à prendre la route de la maison. Mon sac était assez bien rempli et, comme je voulais rentrer avant neuf heures, je fouettai vivement mon cheval qui partit au grand trot. A cinq heures et demie, j?étais déjà au bout de l?île, mais le ciel s?était couvert peu à peu et laissait présager une fort bordée de neige. Un moment après, il neigeait à plein ciel. Je ne voyais ni ciel ni terre, à peine pouvais-je suivre le chemin du roi devant moi ; les balises n?étaient pas encore posées car l?hiver venait de commencer. Une neige fine se mit à me fouetter la figure et m?empêchait d?avancer. Je n?étais pas bien certain de la localité où je me trouvais, mais je croyais être aux environs de la ferme d?un ami de la famille. Je ne crus pouvoir faire mieux que d?attacher mon cheval à un pieu de la clôture et me diriger à l?aventure à la recherche d?une maison. J?errais pendant quelques minutes et je désespérais de réussir quand j?aperçus, sur la gauche de la route, une masure à demi ensevelie sous la neige et que je ne me rappelais pas avoir déjà vue. Je me dirigeais, en me frayant avec peine un passage dans la neige, vers la cabane, que je crus tout d?abord abandonnée. Je me trompais cependant : la porte était fermée, mais je crus apercevoir par la fenêtre la lueur rougeâtre d?un bon feu de bois qui brûlait dans l?âtre. Je frappai et j?entendis aussitôt les pas d?une personne qui s?avançait pour m?ouvrir. ? Qui est là ? fit une voix d?homme. ? Un homme qui a perdu sa route, répondis-je en grelottant. J?entendis aussitôt le loquet se lever. On ouvrit la porte à moitié pour empêcher autant que possible le froid de pénétrer, et j?entrai en secouant mes vêtements, qui étaient couverts d?une épaisse couche de neige. ? Soyez le bienvenu, me dit l?hôte de la masure en me tendant une main qui me parut brûlante et en m?aidant à me débarrasser de mon capot. Je lui expliquai en peu de mots la cause de ma visite et après avoir accepté un verre d?eau-de-vie qui me réconforta, je pris place sur une chaise bancale qu?il m?indiqua de la main au coin du foyer. Il sortit, me disant qu?il allait sur la route quérir mon cheval et ma voiture pour les mettre dans une remise, à l?abri de la tempête. Je ne pus m?empêcher de jeter un regard curieux sur l?ameublement de la pièce où je me trouvais. Dans un coin, un misérable banc-lit, sur lequel était étendue une peau de bison, devait servir de couche au vieillard voûté qui m?avait accueilli. (à suivre...)