Sidi Semiane se trouve dans la daïra de Cherchell, à mi-chemin des montagnes du Zaccar et de la mer. Il est situé au milieu de plusieurs douars et fait partie de la Wilaya IV, de la Zone II, Région III. Il est relié par une route venant de Cherchell qui traverse la montagne du Zaccar jusqu'à la vallée du Chlef. Après la bataille de Sidi Mohand Aklouche, le 26 avril 1957, où notre commando est sorti victorieux de ce grand accrochage entre l?armée française et particulièrement le 29e bataillon de tirailleurs algériens (BTA) installé à Fontaine du Génie (Hadjrat Ennous), nous étions toujours dans la région à la recherche d?autres batailles. Notre compagnie, El-Hamdania est constituée de trois sections composées chacune de 35 moudjahidine. Nous avons donné le nom d?El-Hamdania à notre katiba en mémoire de notre compagnon, le chahid Si Hamdane, de son vrai nom Benabderazak Mohamed, originaire de Mouzaïa. Les chouhada Si Zoubir et Si Hamdane étaient des chefs braves, courageux et prestigieux. C?étaient eux qui avaient dirigé les combattants de L?ALN réussissant la grande embuscade de Tizi Franco Beni Menacer, daïra de Cherchell, le 9 janvier 1957. Notre katiba El-Hamdania se trouvait encore une fois dans le douar Hayouna et, pour la deuxième fois, un agent de liaison nous rapporta une lettre de notre capitaine Si Slimane, dans laquelle il relatait que les soldats français faisaient des incursions fréquentes au douar Nouari, près de Sidi Semiane ; ils martyrisaient les habitants. Il fallait aller sur place pour mettre fin aux agissements humiliants et néfastes de cette horde sauvage de soldats français. Il fallait une marche de plus de trois heures pour arriver à Sidi Semiane. Nous avons pris le départ de Hayouna à 23 h pour y arriver à 3 h. Si Youcef, Si Ali et Si Moussa, nos chefs, avaient décidé de monter un plan de combat et prendre position. La section de Si Kaddour prit position en face de Sidi Semiane, à coté de Djebel Lemri ; quant à nous (les deux autres sections) nous nous sommes embusqués au bord de la route, dans un bois situé derrière le douar Nouari. Entre 4 et 5 h, les ronflements des moteurs de véhicules nous parviennent. Si Moussa passe d?un groupe à l?autre pour nous dire de bien nous camoufler et de faire très attention. La journée s?annonce très difficile. Les guetteurs nous ont fait savoir qu?un convoi monte du littoral par l?oued Messelmoune et un autre par l?oued Sebt. Les convois viennent des villes de Cherchell, Novis, Fontaine du Génie, Gouraya et Duplex. L?ennemi a concentré ses forces pour faire un grand ratissage. Il nous est impossible de quitter notre position sans risquer de nous faire repérer. C?est trop tard, nous sommes obligés de leur faire face. Le soleil se lève à ce moment et nous voyons des soldats qui débouchent du djebel Lemri en courant pour prendre position devant la section de Si Kaddour. Les soldats sont venus de Miliana, El-Khemis, Aïn Defla et des postes militaires environnants. Ils n?ont pas détecté la présence de notre section qui se trouvait derrière eux. Peut-être que Si Kaddour va déclencher son attaque. Les soldats venus des villes de la vallée du Chélif, derrière le Zaccar, commencent à descendre vers nous, ignorant l?emplacement de Si Kaddour. L?encerclement se resserre autour de nous. Notre surprise est grande. Nous constatons qu?une fois encore, nous avons été trahis, comme ce fut le cas dans la bataille de Sidi Mohand Aklouche du 26 avril 1957. L?ennemi savait exactement quel était notre emplacement. La même source qui a informé notre capitaine Si Slimane a donné l?information à l?ennemi, avec toutes les précisions. Le mouchard traître jouait un double jeu. Nous étions pris au piège. Nous avons compris pourquoi Si Kaddour n?avait pas attaqué les soldats qui étaient devant lui, il voyait que l?ennemi concentrait ses forces autour de nous. Heureusement pour Si Kaddour, sa section n?était pas dans le plan tactique de l?état major français. L?étau se resserrait de plus en plus sur nous, l?aviation survolait Sidi Semiane. A côté du douar, nous entendions les chants des harkis, criant et dansant de joie, nous disant : «Vous êtes tombés dans notre souricière, rendez-vous bande de sales communistes.» Oui, c?est vrai, nous étions bien tombés dans un traquenard. L?aviation a commencé à nous bombarder ; cela a duré une heure. Heureusement pour nous, il y avait de grands rochers dans la forêt qui nous permettaient de nous abriter des tirs aériens. Après le départ de l?aviation, nous avons commencé à bouger, cherchant à sortir de cet encerclement. Nous avons suivi nos chefs qui tentaient de sortir sur la droite, mais c?était impossible ; l?ennemi avait installé plusieurs pièces mitrailleuses le long de la route ainsi que des milliers de soldats en position de combat ; ils avaient l?air de nous dire : «Avancez, venez, on vous attend !» Nous avons étudié la situation. On s?est dit si on engageait le combat de ce côté et que nous arrivions à passer, il y aurait l?oued large et profond dont la traversée nécessite une heure de temps. Sans oublier que nous serions à découvert, donc des cibles privilégiées pour l?aviation. Sur l?autre flanc, des hélicoptères de type Banane déposaient leurs troupes. Toute retraite était coupée pour nous, de ce côté droit. Si Moussa est revenu en arrière, nous disant de le suivre pour tenter de sortir du côté gauche. Ce fut encore pire ; des milliers de soldats occupaient tout un terrain plat et découvert. Nous sommes revenus à notre point de départ, au milieu de la forêt. Si Moussa imposait le respect par son calme. Il disait : «Ne vous affolez pas, du courage mes frères, il nous est impossible de tenter la sortie par l?avant, car le gros des troupes françaises nous attendent et surtout le grand risque de mettre en danger la vie des habitants du douar Nouari. Derrière nous, il n?y a aucune issue ; la route s?arrête à un rocher au-dessus de nous.» Notre situation n?était pas bonne ; nous étions bien encerclés de tous les côtés. Soudain, d?un haut-parleur, on entendit une voix : «Kellouaz Moussa, je suis le commandant Gaudoin, tu te souviens de moi. Nous avons fait la guerre d?Indochine côte a côte, nous étions de bons copains, nous avons cassé ensemble les Vietming. Alors, je te demande de te rendre avec tes fellagas et je te donne ma parole d?honneur et d?officier que je t?aiderai.» Nous étions tous étonnés, surtout Si Moussa. Effectivement, pendant la guerre d?Indochine, Si Moussa nous a raconté qu?il avait le grade de sergent-chef, tandis que Gaudoin avait le grade de lieutenant. Aujourd?hui, ils se trouvent face à face avec un avantage au commandant Gaudoin : supériorité avantagée par le nombre. Le commandant Gaudoin ne cessait de faire appel à Si Moussa, lui proposant de se rendre. Si Moussa nous disait : «Ne bougez pas, laissez-le parler.» De l?intérieur du bois, on voyait bien le déploiement de tous les soldats qui nous encerclaient. Gaudoin disait : «Kelouaz, je sais que tu es à l?intérieur et que tu m?écoutes ; c?est vrai je connais ton courage, tu es un héros, mais il est inutile que tu tentes quoi que ce soit, tu n?as aucune chance d?en sortir. Rends-toi avec tes hommes avant qu?il ne soit trop tard pour vous. Vous allez tous périr.» On se demandait ce que l?ennemi allait tenter. C?est l?artillerie qui commença à nous canonner, durant une heure, avec les 105 sans recul et le mortier 75. Nous avons trouvé un abri sous les gros rochers dans la forêt. Si Moussa voulait entreprendre une sortie, mais toute tentative était vouée à l?échec. Pendant qu?on méditait sur notre sort, nous avons entendu des soldats qui discutaient au-dessus de nous, sur le rocher. J?ai eu tout juste le temps d?alerter mes compagnons et nous nous sommes mis à l?abri, sous le rocher. Mais ils nous avaient repérés et nous lancèrent des grenades suivies de tirs, heureusement pour nous sans aucun effet. L?aviation est revenue, composée de bombardiers B29 et T6 Morane. Ils nous lançaient des roquettes et des bombes incendiaires ; l?artillerie commençait à nous pilonner ; les soldats tiraient aux mitrailleuses et fusils mitrailleurs. On ne pouvait pas tenir. Ce fut infernal. Si Moussa nous demanda de le suivre, de faire attention pour ne pas être brûlés. On avait tenté de forcer le barrage de soldats sur la gauche, mais hélas, c?était impossible. Si Moussa, qui avait l?habitude de vivre des moments forts, nous remontait le moral, nous disant : «Tant qu?il y a de la vie, il y a de l?espoir.» Nous l?avons suivi pour forcer du côté droit. Il y avait une distance de 150 m et une largeur de 60 m. On marchait en file indienne, on avançait difficilement. Toute la forêt avait pris feu. On suffoquait, la fumée gênait notre respiration. De retour vers le côté droit, je me suis aperçu que j?étais le dernier alors que le groupe de Si Brahim Khodja devait me suivre. Le feu et la fumée nous ont séparés. Tous les arbres ont pris feu c?était l?enfer. Si Moussa, Si Ali et Si Youcef ont pris la décision de nous mettre à l?abri sous un rocher en forme de croissant, sous lequel un remblai de terre large de 40 cm, avait été creusé certainement par des bêtes. Ce rocher de 30 à 40 m, nous permettait de nous allonger sans être atteints par le feu. Sur notre gauche, on entendait des tirs, c?était le 6e groupe de Si Brahim Khodja qui tentait une percée. L?accrochage a duré une quinzaine de minutes, puis ce fut le silence. L?artillerie a repris, ajustant ses tirs sur le flanc gauche position du 6e groupe. L?accrochage a repris avec les soldats ennemis nos compagnons ont pensé qu?il fallait diversifier l?attention de l?ennemi qui déduira que nous allons faire la même chose du côté droit. Si Djelloul Benmiloud, le chef de section, se trouvait avec le 6e groupe et préféra mourir les armes à la main que d?être brûlé vif. De notre abri, on voyait le mouvement des soldats ennemis qui couraient dans tous les sens. Nous avons compris que le 6e groupe avait engagé la bataille avec courage. On entendait les conversations des soldats français, on pouvait même les voir sans être vus. L?un deux disait : «Oh mon commandant, si j?avait le mortier, oh mon commandant !» Nous avons compris que nos compagnons avaient réussi à passer ; seule l?aviation avait pu les poursuivre. Il était une 13h, il faisait très chaud, le feu avait ravagé tous les arbres. Heureusement qu?on était allongés par terre sous le rocher. Les flammes commencèrent à diminuer ; les troncs d?arbres devenaient des braises. On avait très soif, on étouffait. Si Moussa nous demanda de résister, de supporter. Bientôt, nous allions sortir pour donner une leçon à ces soldats. Il voulait gagner du temps et tenir jusqu?au soir. La nuit est toujours avantageuse pour nous. Nous avons constaté à maintes reprises que les soldats français refusaient le combat de nuit parce que l?aviation ne pouvait pas intervenir par manque de visibilité. Ils avaient peur de tomber dans une embuscade à leur retour, comme ce fut le cas des embuscades de Menacer (Tzi Franco) le 9 janvier 1957 et de Damous (Duplex) le 28 février 1957. Soudain, je n?en croyais pas mes yeux. J?ai dit à mon compagnon Brakni Braham : «S?agit-il de soldats qui viennent vers nous ?» Il m?a répondu «oui», confirmant ce que je voyais. «J?ai fait passer le message à notre chef Si Moussa, lui disant que les soldats français arrivent directement sur moi, que dois-je faire ?» Comme nous étions allongés l?un derrière l?autre, nous pouvions transmettre sans qu?on puisse entendre nos messages, de bouche à oreille ; la réponse m?est revenue de Si Moussa : «Fais très attention, ne bouge pas et ne tire que si tu vois qu?il n?y a pas d?autre solution.» J?avais compris le message. Effectivement, seul Brakni Braham et moi étions en mesure de tirer, car nous étions allongés du côté gauche d?où venaient les soldats français. Dans la fumée, j?entendais la voix des soldats, l?un disant à l?autre, en arabe : «Avance Ali, n?aie pas peur.» Ils étaient à une trentaine de mètres de nous. Un moment fort de suspense, je me suis dit : «C?est fini pour nous, nous allons être obligés de tirer sur eux et dévoiler ainsi notre position?» Et leur commandement ordonnera de nous canonner et à l?aviation de nous bombarder sans tenir compte de leurs soldats qui sont dans la forêt et qui risquent d?être touchés aussi par leurs tirs. D?ailleurs, c?était toujours leur tactique ; pourvu qu?ils tuent des fellagas. Dans ce cas précis, ce n?étaient pas les soldats français, mais les goumiers ou les éléments du 29e BTA. Je tenais beaucoup à mon petit carnet de route où j?écrivais des souvenirs de mes combats. J?ai creusé un peu la terre pour l?enfouir, me disant que j?allais mourir et qu?il serait préférable de le cacher, car au cas où l?ennemi le trouverait sur moi, il serait capable d?emmener mon corps à Hadjout (ex-Marengo), ma ville natale, pour l?exhiber sur la place de la ville à la vue de la population civile, l?obligeant à regarder l?état dans lequel j?étais. L?ennemi ramènerait ma mère et mon père pour me reconnaître et ensuite se vengerait sur ma famille en les martyrisant. C?était la méthode pratiquée pour le chahid Noufi Si Abdelhak, qui est mort dans l?embuscade de Damous, le 28 février 1957. L?ennemi a pris son corps, l?exposant sur la grande place de Cherchell et obligeant sa mère à le reconnaître. je ne voulais pas donner cette occasion à l?ennemi, qui n?avait aucun respect pour les morts et j?ai donc enterré mon carnet. Le commandant du 29e BTA Gaudoin, pour mieux s?assurer qu?il n?y avait plus de survivant, a donné l?ordre à cette section de rentrer à l?intérieur du bois et lui faire un compte rendu. La section qui est passée à côté de nous est retournée au PC de commandement ; le premier soldat que j?allais abattre déclara : «Mon commandant, je n?ai rien à signaler» ; le commandant lui répondit : «Vous n?avez rien à signaler, alors bon, maintenant allumez le feu partout en partant.» Ce qui voulait dire brûler le douar Nouari, ce qui était un acte de lâcheté de l?armée française contre les civils. Nous avions tout entendu cet ordre. Nous avons décidé de sortir pour engager une bataille avec cette armée française qui s?attaquait à notre peuple sans défense et sans armement. Si Moussa nous demanda de nous lever, de le suivre en faisant attention aux troncs d?arbres devenus braise. Ne pouvant supporter les actes criminels contre la population civile, Si Moussa nous demanda de ne pas reculer. Nous attaquerons malgré le nombre de soldats français. J?ai déterré mon carnet, que j?ai récupéré puisque j?étais toujours en vie. Nous étions décidés à attaquer l?ennemi qui se trouvait à notre gauche. A notre arrivée à l?extrémité du bois, les soldats avaient disparu, laissant derrière eux le douar en flammes. A l?intérieur du bois, nous avons découvert le corps d?un moudjahed étendu par terre ; en s?approchant de lui, on s?est aperçu qu?il était en vie ; il a ouvert les yeux, il nous a reconnus, nous disant : «Ah, c?est vous mes frères, les moudjahidine ! Alhamdoulillah !» C?était le chef de groupe, Si Brahim Khodja de Blida. Nous l?avons déposé sur un brancard fait de branches d?arbres et de toile de bâche qui servait à la protection de nos mitrailleuses contre la pluie. Plus loin, nous avons découvert les corps de deux autres frères de combat, Cherfaoui Mohamed de Cherchell (qui a fait partie du groupe qui s?est évadé de la prison de Cherchell le 16 avril 1956) et Ahmed Abbès , agent de liaison, originaire de Mouzaïa. Tous les deux étaient morts, touchés par des roquettes. Nous étions étonnés de constater qu?ils avaient la gorge coupée et qu?ils avaient été achevés au couteau. Les habitants du douar Nouari venaient nous saluer en courant ; ils nous connaissaient très bien. Lors de nos passages, fréquents dans cette région, ils nous apportaient du pain, du lait, de l?eau? Ils étaient heureux de nous revoir vivants, sans s?occuper du feu qui ravageait leurs maisons. C?était émouvant. Nous, les moudjahidine, sommes très sensibles à tout ce qui touche le peuple. Je ne pense pas qu?il existe un peuple aussi merveilleux, valeureux et courageux que le nôtre. Le peuple a tout donné à notre révolution armée, surtout les gens de la montagne ; pour nous, les moudjahidine, le peuple était nos yeux, notre guide, il nous a hébergés, nourris, privant ses enfants pour nous. Souvent, quand on rentrait dans un refuge après une marche fatigante, sous la pluie et le froid, je voyais des habitants ôter des couvertures à leurs enfants pour nous couvrir. Notre peuple est un peuple moussebel, démuni mais fier, il a tout fait pour libérer son pays du joug colonial, il mérite l?admiration et la considération de certains peuples du monde. On s?est reposés. Après une prière, nous avons enterré, à une centaine de mètres du lieu de combat, nos deux valeureux chouhada Si Mohamed Cherfaoui et Si Ahmed Abbes. Nous avons évacué à l?infirmerie régionale notre blessé si Brahim Khodja, dont nous avons appris par la suite qu?il avait été fait prisonnier. Il se trouvait avec d?autres combattants blessés, dans une infirmerie située non loin de Mesquer et Lahouara, dans la montagne du Zaccar. L?infirmerie avait été attaquée par des soldats français, sénégalais et martiniquais du poste de Arib. Les blessés ne pouvaient se défendre sans armes, seul le moudjahid de la première heure, Si Belahcen Kosa Belkebir Mohamed, de Khemis Miliana, a combattu avec sa mitraillette vaillamment et courageusement jusqu?à sa mort. Il y en a d?autres qui ont été lâchement assassinés. L?ennemi avait fait prisonnier également le docteur Souilamas Mohamed et Khodja Youcef, tout deux originaires de Cherchell, ainsi que notre compagnon Brahim Khodja. Après avoir enterré nos deux compagnons, nous sommes partis en saluant chaleureusement les habitants du douar Nouari. Notre arrivée a été attendue avec impatience par les habitants du douar Bouharb et par nos compagnons de la section Si Kaddour et du courageux groupe de Si Brahim Khodja qui a pu sortir victorieux de l?encerclement. Nous avions grand besoin de repos ; les habitants nous avaient préparé un repas. Nous étions tous réunis autour d?un feu lorsque Si Moussa donna la parole à Si Kaddour, qui nous raconta : «Le matin, quand vous m?avez placé avec ma section au djebel Lemri, je voyais en face une force importante de soldats qui vous encerclait et des soldats qui se sont postés devant moi. J?ai hésité à?attaquer pour plusieurs raisons. Premièrement, il était tôt ; deuxièmement, ils étaient trop nombreux et ils sont partis tout de suite pour vous encercler.» Si Moussa l?a félicité pour cette décision sage. Si Ali, l?adjoint du groupe de Si Brahim Khodja, nous raconta comment ils étaient sortis de l?encerclement : «Quand le feu s?est déclaré dans le bois et nous a séparés, Si Brahim Khodja nous disait que Si Moussa et nos compagnons allaient essayer de sortir du côté droit, à nous de tenter la sortie du côté gauche. Nous nous sommes engagés dans le combat pendant un certain temps ; ils étaient nombreux. Nous avons abattu et blessé plusieurs soldats. Nous avons décidé d?emmener Si Brahim Khodja, grièvement blessé, et de retourner dans les bois. Si Brahim Khodja n?a pas voulu que nous restions à l?intérieur, il demanda à Si Ali de Fouka Marine de prendre sa mitraillette Mat 49 pour encore tenter de sortir avec le groupe. Il fallait forcer ce mur, il fallait le franchir pour diversifier les forces de l?ennemi. Allez courage, ne vous inquiétez pas pour moi, je suis heureux, je vais mourir en tant que martyr, allez partez et que Dieu vous protège.» Si Ali continua en disant que puisque Si Djelloul Benmiloud, chef de section était parmi nous, c?est à lui qu?échoit le commandement du groupe. Si Djelloul Benmiloud enchaîna : «Lors de notre première tentative, j?ai remarqué la direction où nous devions attaquer pour sortir. J?ai donné ordre de me suivre en courant, tirant sans regarder derrière nous et c?est ainsi que nous avons fait une brèche au milieu des soldats qui fuyaient de panique, nous laissant le passage libre. Nous avons tué et blessé plusieurs dizaines de soldats ; l?aviation nous a poursuivis, mais grâce à Dieu, nous avons pu échapper par la montagne.» Après les récits de nos compagnons, on peut dire que c?est grâce au groupe de si Brahim Khodja que nous sommes en vie. Pour l?état-major français, nous étions tous morts par les bombardements ou brûlés par le feu, seule une dizaine de fellagas a pu s?en sortir. Il pensait qu?il était arrivé à liquider la katiba El-Hamdania ; qu?il s?était vengé sur le commando Si Zoubir, qui lui a infligé des défaites inoubliables lors de la bataille de Sidi Mohand Aklouche du 26 avril 1957, et celle du Zaccar (Miliana) du 4 mai 1957. Le bilan de cette journée était plus que positif : il y avait eu plusieurs morts et blessés dans les rangs de l?ennemi. Quant à nous, nous déplorions la mort de deux chouhada, Si Mohamed Cherfaoui et Si Ahmed Abbes, et un blessé grave, Si Brahim Khodja. Avant de quitter le douar Bouharb, les habitants nous entourèrent pour nous saluer. Si Ali de Bakalem, adjoint de compagnie, nous demanda de chanter ensemble des chansons patriotiques. Nous avons terminé par «Ikhouani la tansaou ecchouhada» (mes frères, n?oubliez jamais nos martyrs) qui se sont sacrifiés pour la liberté de l?Algérie. Gloire à nos martyrs