Résumé de la 23e partie - Que disait la lettre que le roi des Birmans lui a fait parvenir par l'un de ses ministres ? Il s'apprêtait à m'en donner lecture lorsque je la pris de ses mains et la passai à mon mahout pour qu'il me la traduise. Il n'avait pas le droit, lui qui appartenait à une caste inférieure, de toucher à cette feuille sacrée. Il me pria de la rendre au seigneur ministre de Sa Majesté, ce que je fis aussitôt pour marquer ma déférence et mon amitié pour Aor. Le ministre reprit la lettre, sur laquelle on déplia une ombrelle d'or, et il lut : «Très puissant, très aimé et très vénéré éléphant, du nom de Fleur sacrée, daignez venir résider dans la capitale de mon empire, où un palais digne de vous est déjà préparé. Par la présente lettre royale, moi, le roi des Birmans, je vous alloue un fief qui vous appartiendra en propre, un ministre pour vous obéir, une maison de deux cents personnes, une suite de cinquante éléphants, autant de chevaux et de bœufs que nécessitera votre service, six ombrelles d'or, un corps de musique, et tous les honneurs qui sont dus à l'éléphant sacré, joie et gloire des peuples.» On me montra le sceau royal, et, comme je restais impassible et indifférent, on dut demander à mon mahout si j'acceptais les offres du souverain. Aor répondit qu'il fallait me promettre de ne jamais me séparer de lui, et le ministre, après avoir consulté ses collègues, jura ce que j'exigeais. Alors, je montrai une grande joie en caressant la lettre royale, l'ombrelle d'or et un peu le visage du ministre, qui se déclara très heureux de m'avoir satisfait. Quoique très fatigué d'un long voyage, je témoignai que je voulais me mettre en marche pour voir ma nouvelle résidence et faire connaissance avec mon collègue et mon égal, le roi de Birmanie. Ce fut une marche triomphale tout le long du fleuve que nous remontions. Ce fleuve Iraouaddy était d'une beauté sans égale. Il coulait tantôt nonchalant, tantôt rapide, entre des rochers couverts d'une végétation toute nouvelle pour moi, car nous nous avancions vers le nord, et l'air était plus frais, sinon plus pur que celui de mon pays. Tout était différent. Ce n'était plus le silence et la majesté du désert. C'était un monde de luxe et de fêtes ; partout sur le fleuve des barques à la poupe élevée en forme de croissant, garnies de banderoles de soie lamée d'or, suivies de barques de pêcheurs ornées de feuillage et de fleurs. (A suivre...)