Résumé de la 28e partie n Ainsi paré, l'Eléphant blanc se rendit à son palais en empruntant la rue principale dont le sol était jonché de verdure et de fleurs... L'air chargé de parfums à la fumée bleue retentissait de fanfares qui eussent couvert le bruit du tonnerre. C'était le rugissement d'une tempête au milieu d'un épanouissement de délices. Toutes les maisons étaient pavoisées de riches tapis et d'étoffes merveilleuses. Beaucoup étaient reliées par de légers arcs de triomphe, ouvrages en rotin improvisés et pavoisés aussi avec une rare élégance. Du haut de ces portes à jour, des mains invisibles faisaient pleuvoir sur moi une neige odorante de fleurs de jasmin et d'oranger. On s'arrêta sur une grande place palissadée en arène pour me faire assister aux jeux et aux danses. Je pris plaisir à tout ce qui était agréable et fastueux ; mais j'eus horreur des combats d'animaux, et, en voyant deux éléphants, rendus furieux par une nourriture et un entraînement particuliers, tordre avec rage leurs trompes enlacées et se déchirer avec leurs défenses, je quittai la place d'honneur que j'occupais et m'élançai au milieu de l'arène pour séparer les combattants. Aor n'avait pas eu le temps de me retenir, et des cris de désespoir s'élevèrent de toutes parts. On craignait que les adversaires ne fondissent sur moi ; mais à peine me virent-ils près d'eux, que leur rage tomba comme par enchantement et qu'ils s'enfuirent éperdus et humiliés. Aor, qui m'avait lestement rejoint, déclara que je ne pouvais supporter la vue du sang et que d'ailleurs, après un voyage de plus de cinq cents lieues, j'avais absolument besoin de repos. Le peuple fut très ému de ma conduite, et les sages du pays se prononcèrent pour moi, affirmant que le Bouddha condamnait les jeux sanglants et les combats d'animaux. J'avais donc exprimé sa volonté, et on renonça pour plusieurs années à ces cruels divertissements. On me conduisit à mon palais, situé au-delà de la ville, dans un ravin délicieux au bord du fleuve. Ce palais était aussi grand et aussi riche que celui du roi. Outre le fleuve, j'avais dans mon jardin un vaste bassin d'eau courante pour mes ablutions de chaque instant. J'étais fatigué. Je me plongeai dans le bain et me retirai dans la salle qui devait me servir de chambre à coucher, où je restai seul avec Aor, après avoir témoigné que j'avais assez de musique et ne voulais d'autre société que celle de mon ami. A suivre George Sand