Constat ■ Nombreux sont ces écrivains algériens à se faire éditer à l'étranger, par des maisons d'éditions françaises. Cela implique que ces dernières détiennent l'exclusivité des droits de ces auteurs. Autrement dit, pour que ces mêmes auteurs soient édités en Algérie, les maisons d'éditions doivent acheter auprès des éditions françaises les droits des auteurs concernés. Il se trouve que l'acquisition des droits d'auteur coûte cher, et souvent ces maisons d'édition française qui détiennent les droits d'auteurs algériens affichent quelques réticences quant à la vente de ces droits. «L'acquisition des droits d'auteur pose un gros problème pour les éditeurs algériens», raconte Samira Bendris, des éditions El-Ibriz, et de poursuivre : «Ce n'est pas évident d'acquérir les droits de là-bas. Les éditeurs français ne sont pas ouverts à cela, surtout lorsqu'il s'agit de la langue française. Ils sont malléables quand il s'agit de la traduction du français vers l'arabe. Mais vendre les droits d'auteur d'un écrivain algérien à une maison d'édition algérienne n'est certainement pas évident. Parce que les maisons d'édition françaises préfèrent que le livre soit importé. C'est plus rentable d'un point de vue économique.» C'est le cas d'ailleurs de l'héritage littéraire de Kateb Yacine. Ses œuvres sont éditées en France, au Seuil, et celle-ci n'est pas prête de céder ou de vendre les droits à une maison d'édition algérienne. C'est pourquoi on trouve dans nos librairies les livres de Kateb Yacine mais édités en France. Samira Bendris estime toutefois qu'il existe une possibilité pour déjouer, détourner la question de l'acquisition des droits d'auteurs, à savoir : «Demander aux auteurs algériens qui se font éditer en France – et à l'étranger en général – d'essayer de garder leurs droits pour l'Algérie, sachant que les auteurs ont déjà dans le contrat qui les lie aux maisons d'éditions en question ciblé la chose : ils donnent leurs droits en France ou à l'étranger, mais ils gardent leurs droits pour l'Algérie», propose-t-elle. Par ailleurs, Samira Bendris estime qu'il faut cesser d'avoir le complexe de l'étranger, c'est-à-dire un auteur qui se fait publier en Algérie n'est pas intéressant, et celui qui se fait éditer en France est important. Elle estime par ailleurs qu'il est temps de penser à exporter le livre algérien. «C'est malheureux qu'on n'ait pas encore trouvé un moyen d'exporter le livre. La seule exportation de notre livre se fait lorsqu'on participe à des salons internationaux. C'est pourquoi les autorités concernées doivent mettre en place une structure et une politique favorisant l'exportation du livre algérien. Il faut qu'elles sachent que l'industrie du livre est génératrice de l'économie, et exporter le livre constitue un moyen pour faire entrer de la devise», dit-elle, et d'ajouter : «Si nous n'exportons pas le livre algérien à l'étranger, les gens ne sauront pas que nous avons des auteurs intéressants et un potentiel littéraire créatif considérable.» Pour elle, l'exportation du livre algérien pourrait inverser la tendance. En d'autres termes les éditeurs étrangers s'intéresseront au livre algérien et achèteront en conséquence les droits de nos auteurs pour les faire éditer chez-eux. «Ce sont toujours les maisons d'édition algériennes qui achètent les droits d'auteurs d'écrivains algériens ou autres», déplore Samira Bendris. Elle regrette que l'acquisition ne se fasse jamais dans le sens inverse. C'est ainsi qu'il est temps pour elle d'inverser la tendance. Et faire de l'édition algérienne un pôle attractif.