Evocation ■ 20 ans depuis que le directeur de l'Ecole supérieure des beaux-arts (ESBA) a été assassiné en même temps que son fils dans l'enceinte même de l'ESBA le 5 mars 1994. Deux décennies sont passées, mais le souvenir des deux hommes reste entier dans la mémoire de ceux et celles qui les ont connus, tout autant en est-il pour les jeunes générations d'étudiants qui ont fréquenté l'école après la disparition tragique d'Ahmed et Rabah Asselah. La journée-hommage a drainé une grande assistance à l'ESBA au cours de laquelle les proches, enseignants, anciens, jeunes étudiants et amis sont venus pour honorer le souvenir du père et du fils. Le collectif chargé de l'organisation de cet événement a initié la réalisation d'un «mur d'expression», en lançant l'appel sur le web à l'intention des artistes, poètes, cinéastes pour animer une fresque géante. La réalisation de ce «mur d'expression» s'est faite à partir de plusieurs contributions composées de messages, dessins, photos et témoignages. Prenant la parole, Karim Sergoua, enseignant à l'Ecole supérieure des beaux arts et artiste, a parlé des deux disparus non sans une grande émotion, ne pouvant retenir ses larmes : «Nous avons lancé l'appel sur le web pour une large participation de tout le monde et nous avons reçu des dizaines de messages pour la création d'un mur d'expression à la mémoire de Rabah et Ahmed.» Karim Sergoua n'a pas caché que l'opération initiée via le web est une réussite «une participation massive». Pas moins de 610 personnes ont répondu à l'appel avec des messages, dessins, peintures, témoignages, photos, poèmes, photographies. Tout cela a été ainsi rassemblé pour tapisser la salle de conférences de l'école. Ainsi, les murs de la salle de conférences étaient tapissés de preuves de sympathie et d'amitié aux défunts. On pouvait lire «Attestation contre l'oubli», «J'ai promis», «1949», «Merci d'avoir suscité la création d'Ecoles régionales des beaux-arts»... Composée essentiellement de portraits d'Ahmed Asselah, réalisés avec différentes techniques de peinture ou de collage, cette fresque, intitulée «20 ans Asselah», comporte également des témoignages et reconnaissances à «celui qui a permis une confrontation fertile de l'action artistique et de la réalité», ainsi que l'écrit le peintre Denis Martinez pour résumer le parcours de l'ancien directeur. Des étudiants de l'école ont témoigné, hier, sur cette journée-hommage, à l'exemple de Yasmina Tebiche en deuxième année Aménagement : «On n'a pas eu le privilège de les côtoyer. Ils étaient des artistes libres et on s'en souvient. Nous les nouvelles générations de l'ESBA on a acquis cette sensibilité comme si on les avait connus.»Remaki Mohamed Aniss, étudiant en arts graphiques, dira : «Ils seront toujours là, puisque l'Ecole est baptisée en leur nom. On a tous exprimé à travers des dessins leur présence continue en ces lieux.»Hamadache Massinissa, étudiant en design et aménagement, a quant à lui déclaré : «Ils ne sont pas morts et restent éternels. Ce sont de grands hommes de culture qui méritent notre admiration.» Le programme de cette journée-hommage a comporté une animation artistique qui a réuni, entre autres, les chanteurs Kawthar Meziti et Reda Doumaz ainsi que les artistes étudiants de l'ESBA tels que Mehdi Kerri, Nabil Qara, Khaled Ambes et Hkikou Grooz. Le souvenir de Anissa Assellah – épouse de Ahmed et mère de Rabah, décédée en 2000 – a été associé à cet hommage et a été donc évoqué par les poètes Samira Negrouche et Abderahmane Djelfaoui, qui ont déclamé des poèmes, «contre l'oubli», à la mémoire de tous les «martyrs de l'expression artistique». La petite scène improvisée a également accueilli une jam session entre anciens et nouveaux étudiants de l'Ecole pour symboliser la continuité de la formation dans cette institution, témoin du passage de grands artistes qui ont fait la gloire de la peinture algérienne. On terminera avec la pensée de Denis Martinez dédiée à Ahmed Asselah directeur de l'Ecole de 1982 à 1994 : «Toutes les générations d'artistes, plasticiens issus de l'Ecole supérieure des beaux-arts et moi-même te remercions d'avoir permis et encouragé des actions artistiques et expérimentales dans différents lieux du pays, permettant une fertile confrontation avec la réalité loin des limites du conformisme.»