Perte ■ La chanteuse algérienne d'expression kabyle, Chérifa, est décédée à Alger dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 88 ans, a annoncé la Radio algérienne. Cherifa, Ouardia Bouchemlal, de son vrai nom, est née le 9 janvier 1926 dans le village de Aït Halla, dans la commune d'Ilmayen, région d'Akbou. Dans les années 1940, elle chante à la radio et s'impose rapidement comme la maîtresse du chant kabyle. Pendant des années, elle part en tournée en Algérie et enregistre de nombreux succès, de sa composition, ou puisés dans le patrimoine folklorique. Abkaw ala khir Ay Akbou, Aya Zerzour, Azwaw (réarrangée et interprétée par Idir) et Sniwa difendjalen figurent parmi les pièces de référence de la chanteuse traditionnelle, très reprise par les artistes et que le public affectionne en particulier.A l'étranger, depuis les années 1990, la défunte s'est produite en France, en 1993 l'Olympia, en 1994 à l'Opéra Bastille et en 2006 au Zénith de Paris. Chantant la vie sous tous ses aspects, Chérifa était célèbre entre autres pour ses préludes (Achouiq) et des chants d'amour (Ahiha). Les poèmes et les mélodies qu'elle a composés se comptent par centaines et sont régulièrement repris. Tardivement reconnue, Chérifa s'inspirait de ses souffrances pour écrire et composer ses chansons. Artiste populaire, son œuvre émane de son expérience dans la vie. La disparition de Chérifa est une grande perte pour le patrimoine musical algérien, ont souligné plusieurs artistes. «L'art algérien vient de perdre l'un de ses pionniers avec la disparition de ‘Na Chérifa' qui a marqué les années 50 par ses chansons avec son émission ‘Noub al-khalat', enregistrée et diffusée après l'indépendance par la chaîne II de la Radio nationale», a indiqué Abdelkader Bendamache, président du Conseil national des arts et des lettres. Il a ajouté que le répertoire musical de la défunte fut une source d'inspiration pour plusieurs jeunes artistes qui tenaient à préser-ver ce patrimoine, comme Hassiba Amrouche, Taos Arhab et Cherif. Le chanteur kabyle Arezki Bouzid, a rappelé avoir rencontré Chérifa dans les années 1960 alors qu'elle dirigeait sa troupe composée de Yamina, Anissa, Djamila et Khadidja, tandis que la voix féminine était encore tabou sur les ondes de la radio pour une société aussi conservatrice que celle de Kabylie. C'est une personne «irremplaçable» et sa disparition est «une grande perte», a indiqué Bouzid avec qui la défunte avait enregistré plusieurs chansons dont Assoumam et Klil Sah. Pour sa part, la chanteuse Nouara a rendu hommage à cette femme dont ses «achouiq» (les préludes) avaient bercé son enfance, rappelant l'expérience de la vie et les souffrances de cette dame à la voix «douce». Le comédien Saïd Hilmi qui a longtemps travaillé à la RTA (Radio et Télévision algériennes) a indiqué quant à lui que «Cherifa puisait son inspiration de sa dure expérience de la vie. Elle a chanté l'exil, la patrie et la pauvreté, mais ne s'est jamais plainte de son sort, elle était une femme courageuse qui chantait le bonheur et le malheur». La défunte sera inhumée aujourd'hui, samedi, dans son village natal d'Ilmayen.