La disparition de la chanteuse algérienne d'expression kabyle Chérifa, décédée dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 86 ans, est une grande perte pour le patrimoine musical algérien, ont souligné plusieurs artistes. "L'art algérien vient de perdre l'un de ses pionniers avec la disparition de ‘Na Chérifa' qui a marqué les années 50 par ses chansons avec sa troupe ‘Noub al-khalat'", enregistrées et diffusées après l'indépendance par la chaîne II de la Radio nationale, a indiqué Abdelkader Bendamache, président du Conseil national des arts et des Lettres. Il a ajouté que le répertoire musical de la défunte fut une source d'inspiration pour plusieurs jeunes artistes qui tenaient à préserver ce patrimoine comme Hassiba Amrouche, Taos Arhab et Cherif. Le chanteur kabyle Arezki Bouzid, a rappelé avoir rencontré Chérifa dans les années 1960 alors qu'elle dirigeait sa troupe composée de Yamina, Anissa, Djamila et Khadidja tandis que la voix féminine était encore tabou sur les ondes de la radio pour une société aussi conservatrice comme celle de Kabylie. C'est une personne "irremplaçable" et sa disparition est "une grande perte", a indiqué Bouzid avec qui la défunte avait enregistré plusieurs chansons dont "Assoumam" et "Klil Sah". Pour sa part, la chanteuse Nouara a rendu hommage à cette femme dont ses "achouiq" (les préludes) avaient bercé son enfance, rappelant l'expérience de la vie et les souffrances de cette dame à la voix "douce". Le comédien Said Hilmi qui a longtemps travaillé à la RTA (Radio et Télévision algériennes) a indiqué quant à lui que "Cherifa puisait son inspiration de sa dure expérience de la vie. Elle a chanté l'exil, la patrie et la pauvreté mais ne s'est jamais plainte de son sort, elle était une femme courageuse qui chantait le bonheur et le malheur". Cherifa, Ouardia Bouchemlal de son vrai nom, est née le 9 janvier 1926 dans le village d'Ait Halla de la commune d'Ilmayen, dans la région d'Akbou. Dans les années 1940, elle chante à la radio et s'impose rapidement comme la maîtresse du chant kabyle. Pendant des années, elle part en tournées en Algérie et enregistre de nombreux succès, de sa composition, ou puisés dans le patrimoine folklorique. Abka ala Khir Ay Akbou, Aya Zerzour, Azwaw (réarrangée et interprétée par Idir) et Sniwa d ifendjalen, figurent parmi les oeuvres de référence de la chanteuse traditionnelle. A l'étranger, depuis les années 1990, la défunte s'est produite en France, en 1993 l'Olympia, en 1994 à l'Opéra Bastille et en 2006 au Zénith de Paris. La défunte sera inhumée samedi dans son village natal d'Ilmayen.