Evocation ■ La rencontre commémorative d'hier à l'espace Plasti, se voulait doublement symbolique. Premièrement elle revenait sur une date marquante de la guerre de Libération. Celle du 4 avril 1956 journée au cours de laquelle Henri Maillot avait détourné un camion de munitions et d'armes pour rejoindre un groupe de moudjahidine dans ce qu'on appelait «le maquis rouge» dans l'Ouest algérien. D'autre part l'assistance nombreuse a pu voir la projection du film documentaire de Kamel Boualem Algériennes, Algériens non musulmans morts pour la patrie. L'idée de soustraire à l'oubli les présences et les noms de ceux et celles de confession autre que musulmane, qui ont lutté ou ont été tués et guillotinés pour que vive l'Algérie libre, est née en 2010. Pour les survivants également, il fallait les sortir de l'ombre et les ramener à la lumière et à la mémoire de la jeune génération. Le pari était lancé. Le film devient réalité. Il ne reste qu'à dépoussiérer cette page de notre histoire commune marquée par le sang versé et la douleur consentie de ces Algériens non musulmans, enfants de leur terre pour laquelle ils se sont sacrifiés. Annie Steiner, Elyette Loup, jacqueline Guerroudj, Jean Farrugia, Pierre Chaulet, Félix Colozzi, Eliane et Jean Massebœuf, les frères Meyer, Daniel et Gabriel Timsit, Jacques Salort, Christian Buono, Henri Alleg, Jules Molina, Raymond Hannon, Jacqueline Guerroudj répondirent avec tant d'autres à l'appel de l'Algérie dans le tourment. Il y a eu également Raymonde Peschard, Pierre Ghenassia, Maurice Laban, le docteur Georges Counillon, George Raffini, André Martinez et Roland Siméon tombés au champ d'honneur aux côtés de leurs frères. On peut voir Abdelkader Guerroudj bon œil et belle parole commenter certains épisodes. Il est imparti une bonne place à la sœur d'Henri Maillot envahie par l'émotion face aux souvenirs et au retour sur un passé douloureux. Il y a également tous ces compagnons de lutte, rattrapés par les années et la vieillesse mais avec toujours cette ardeur au cœur et l'étincelle au fond des yeux sur une époque où l'engagement militant était leur pain quotidien. Les rencontres aux cimetières ponctuées par les dates de recueillement comme on a pu le voir sont les lieux de partage de leurs souvenirs. On laissera le soin à Annie Steiner, ancienne condamnée à mort, raconter la décapitation de Fernand Iveton, ami d'enfance de Maillot, tous deux natifs du Clos Salembier (El-Madania) et de ses jeunes compagnons en cette première heure de froide nuit de février 1957. «Quand ils ont emmené Yveton et les deux jeunes, il faisait nuit, j'étais totalement tétanisée... L'angoisse nous étreignait ... Les youyous des femmes de la Casbah déchiraient les ténèbres. Avant de partir, il a embrassé ses compagnons et remis une lettre à sa femme. Mustapha Fettal, premier responsable avant Yacef Saâdi de la zone autonome d'Alger, nous a raconté que les trois hommes étaient eux aussi tétanisés. Ils sont partis comme trois frères...», confie Annie Steiner la gorge nouée, les yeux embués, celle qui raconte la fraternité. Il n'y avait pas de musulmans ni de chrétiens, seuls étaient les hommes et les femmes qui ont eu foi en une Algérie glorieuse. Mohamed Rebah, le collectif «Mannenssaouche», Kamal Boualem, à eux revient le mérite de cette initiative qui ne sera pas la dernière sans l'ombre d'un doute.