Débat ■ José Manuel Lucia a développé, hier, le destin peu commun de Miguel de Cervantès auteur du mythique Don Quichotte, héros resté universellement célèbre depuis 4 siècles. José Manuel Lucia rigoureux dans son exposé sur Cervantès est toutefois pris d'amitié pour ce dernier. Il a longuement parlé du mystère entourant Cervantès ainsi que des incertitudes accompagnant depuis des siècles l'initiateur du roman moderne. Aucun portrait, aucune biographie, comme si Cervantès avait sciemment créé le secret autour de sa personne. «Il donne de lui une image irréaliste», signale le conférencier, lors d'une conférence à l'Institut Cervantès (Centre culturel espagnol d'Alger), portant sur le thème : «Cervantès, un homme sans visage. Un écrivain sans biographie». il a, en outre, expliqué que le célèbre captif d'Alger «a décrit son physique comme il lui veut qu'il apparaisse». Autre habileté, Cervantès fait de sa blessure à la main – qui le rend manchot au cours de la bataille de Lépante – un fait héroïque. Marginalisé par un public non initié à une nouvelle manière d'écrire, Cervantès connaîtra de petits succès ; son célèbre héros prend le pas sur le créateur de l'œuvre. Malgré une création littéraire prolixe, Cervantès, d'origine modeste, finira sa vie désargenté. A cet égard José Manuel Lucia fera le parallèle avec Lope de Vega, écrivain connu et à succès, issu d'une famille riche, jouissant de prospérité grâce à ses œuvres. «Malgré son succès littéraire, Lope de Vega rêvait d'écrire comme Cervantès», a indiqué le conférencier. Les renseignements sur le parcours de vie de Cervantès divergent et ne se recoupent pas laissant des zones d'ombre sur la vie de l'écrivain. Même son lieu de naissance reste contestable, ce qui entraîne l'écriture de plusieurs biographies non fondées, parce qu'il est mort dans l'anonymat. Ce qui n'enlève rien à la reconnaissance mondiale du génie puisqu'il est romancier, dramaturge, poète et nouvelliste. José Manuel Lucia conclut : «Miguel Cervantès, père du roman moderne, est celui qui a dupé le plus ses lecteurs.» «Son séjour malheureux comme prisonnier à Alger à partir de 1575 a-t-il contribué à marquer un peu plus le style et l'écriture de Cervantès et à faire germer l'idée de Don Quichotte ? », a demandé un intervenant. «Sans doute que cela a permis à Cervantès, captif durant 5 ans, d'affirmer sa manière de penser et d'écrire», a répondu le conférencier. A noter que la première partie de Don Quichotte paraît en 1605. Un autre assistant a relevé l'existence du fameux Sidi Ahmed Benengeli, prétendu par Cervantès lui-même être l'auteur réel et le père spirituel de Don Quichotte. Il n'aurait été que le traducteur du livre écrit en arabe. José Manuel Lucia a tout au long de son intervention démontré l'habileté de Cervantès à brouiller les pistes de quoi confondre le lecteur et épaissir le mystère sur sa plus grande œuvre. José Manuel Lucia est professeur de philologie à l'Université de Madrid. Il est, par ailleurs, le coordonnateur du centre d'études universitaires Cervantès depuis 1999 et président de l'association Cervantès. Il est également homme de lettres et a à son actif plusieurs ouvrages.