Une rencontre a été organisée, hier, au Centre culturel algérien (CCA) à Paris autour de l'ouvrage Les Algériennes du château d'Amboise d'Amel Chaouati, qui nous renseigne sur les conditions sanitaires déplorables imposées aux membres de la famille de l'Emir Abdelkader en captivité en France. En décembre 1848, après des combats courageux et acharnés contre l'armée française, l'Emir Abdelkader se retrouve en captivité, lui et toute sa famille composée de quatre-vingt-dix-sept personnes dont vingt et une femmes, quinze enfants et de nombreux nourrissons, en France, où ils seront enfermés après une traversée très éprouvante. Durant près de cinq ans, soit trois mois à Toulon, sept mois à Pau puis quatre ans au château d'Amboise, jusqu'à leur libération en 1852 où l'émir, et ce qui resta de sa suite, allaient s'exiler en Turquie avant de se rendre à Damas, l'enfermement fut loin d'être une villégiature, mais un véritable mouroir, où périrent vingt-cinq membres de la famille de l'émir, particulièrement des femmes et des enfants en bas âge. L'auteur de l'ouvrage, psychologue de formation, a mis sept ans pour réunir les matériaux nécessaires à ce travail de recherche inédit pour revenir sur les traces de cet exil forcé et douloureux imposé à l'émir et sa famille, en épluchant les archives, parcourant les villes, enchaînant les voyages et les rencontres, interrogeant des sources édifiantes pour reconstituer ces fragments de vie. Les souffrances endurées par ces femmes qui furent arrachées brutalement à leurs familles, leur pays, pour se retrouver transplantées dans des lieux qui leurs étaient totalement étrangers où elles furent recluses, et impuissantes, vu leurs enfants périr, a particulièrement capté l'intérêt d'Amel Chaouati. Dans son désir de rendre un hommage particulier à ces oubliées de l'histoire, l'auteur interpelle la mémoire collective et appelle au devoir de transmission de l'histoire pour que nul n'oublie ces femmes dont l'équilibre psychique et la santé physique furent sérieusement affectés et qui pour beaucoup, payèrent de leur vie et de celle de leurs enfants en bas âge, nés pour la plupart en captivité. Ces femmes avaient compris aussi qu'il fallait apprendre à survivre, à préserver leurs traditions de femmes arabes et musulmanes. Les prières, le ramadan, les fêtes de l'Aïd, rythmaient le passage des années, marquées par un climat rude, l'exil, les séparations et les deuils fréquents.