Regrets ■ Le haïk (voile), vêtement traditionnel longtemps porté par la femme algéroise, lui valant le qualificatif de «blanche colombe», tend à disparaître du paysage, laissant le souvenir d'une belle image associée à la nostalgie de la belle époque. Bien plus qu'un vêtement traditionnel constitué d'une étoffe blanche enveloppant la totalité du corps de la femme, le haïk était le symbole de la pudeur, de la décence, mais également de l'élégance féminine. Selon une première version, il serait apparu en Algérie avec l'arrivée des Andalous au Maghreb au XVIe siècle. Selon une seconde, il aurait été introduit à Alger avec l'arrivée des Turcs, eu égard à sa présence dans d'autres régions du pays. En effet, outre le Centre, le haïk était également présent dans l'est, l'ouest et le sud du pays, sous des formes plus ou moins différentes. Dans l'Ouest, les femmes portaient «bouaouina», un voile qui recouvrait tout le corps, y compris le visage, ne laissant paraître qu'un seul œil, alors qu'au Centre, les femmes optaient pour le haïk «mrema» qu'elles portaient avec «laâdjar», une voilette qui couvre le bas du visage, ne laissant apparaître que les yeux. Dans l'est du pays, les femmes portaient le haïk blanc avant de le remplacer par la «mlaya» noire, en signe de deuil après la mort de Salah Bey. Réussissant à s'imposer encore durant la colonisation française et après l'indépendance, le haïk a commencé à s'éclipser progressivement à partir des années 80, cédant la place au «hidjab». Aujourd'hui dans la capitale, le haïk n'est porté que par quelques femmes, des vieilles essentiellement. Parmi elles, khalti Khdija rencontrée à la place des Martyrs, élégamment drapée de son haïk malgré son âge avancé. «Le haïk n'est pas seulement un bout de tissu que je porte, c'est pour moi le symbole de la pudeur, de la pureté et de la décence», a-t-elle lancé. «Je le porte depuis mon jeune âge et je ne suis pas près de l'enlever maintenant que je suis grand-mère», a-t-elle ajouté. Bien que disparu des rues de la capitale, il arrive parfois de croiser une femme portant cet habit traditionnel. Les photos souvenirs qui se vendent ici et là et les histoires d'héroïnes de la guerre de libération nationale, qui en ont fait une arme contre le colonialisme, témoignent encore de cette tradition féminine. Il existe plusieurs sortes de haïks, explique Mohamed, un commerçant de tenues traditionnelles installé à la Rue Bab Azoun, une des ruelles commerçantes du vieil Alger. Le plus réputé est le haïk «mrema el hor», généralement fait à base d'un tissu blanchâtre de pure soie, et réservé aux femmes aisées de la société et le haïk fait de soie mélangée avec des touffes de laine. Importé actuellement de Tunisie, le haïk ne se vend pratiquement plus, a-t-il ajouté, précisant cependant que la valeur intrinsèque de ce legs ancestral demeure incontestable lorsqu'il s'agit de mariages, car la mariée doit le porter avant de quitter le domicile familial pour celui de son époux. Pour «laâdjar», Mohamed a indiqué que cette étoffe longtemps associée au haïk a résisté au temps qui passe, certaines dames le portent même avec le «hidjab» qui a remplacé leur costume traditionnel. Il a évoqué les différentes voilettes confectionnées au crochet ou à la «chbika», dont les prix varient entre 300 et 500 DA et qui continuent d'attirer bon nombre de femmes, contrairement au haïk devenu une parure traditionnelle conjoncturelle.