Longtemps tombé en désuétude au profit de la djellaba et du hidjab, le haïk refait peu à peu son apparition. Il faut noter toutefois que cette résurgence est perceptible non pas dans les rues et ruelles algériennes, mais plutôt dans les réseaux sociaux, où il connaît un certain engouement. Comble de l'ironie, la réapparition du haïk n'est pas due au mérite de la bigoterie ambiante, mais au contraire de celle de quelques féministes chevronnées qui ont voulu coûte que coûte redorer le blason de cet habit traditionnel d'origine ottomane. Il faut savoir que le haïk n'a aucune connotation religieuse. Il est faux de croire, comme l'affirment certains, que cet habit n'est ni plus ni moins qu'une «burqa de couleur blanche». Bien au contraire, ce grand voile blanc est perçu par beaucoup comme étant un vêtement sensuel, limite sexy. C'est ce que croient en tout cas dur comme fer bon nombre d'Algériennes, dont parmi elles l'artiste plasticienne Souad Douibi, l'initiatrice à Alger des «opérations haïk». Selon elle, c'est tout un art que de porter ce vêtement. «Le haïk est une étoffe blanche rectangulaire recouvrant tout le corps, enroulée puis maintenue à la taille par une ceinture et ramenée ensuite sur les épaules», nous expliquera-t-elle. Pour Souad, le port du haïk diffère selon les régions. «Personnellement, je trouve cet habit sensuel et sexy à la fois. C'est un vêtement de séduction par excellence. C'est aussi un jeu de transparence qui laisse respirer le corps pour faire dégager, de temps à autre, une beauté et une nudité.» Selon cette artiste, si le haïk est sexy, il l'est de par la matière dont il est fabriqué, mais aussi à la façon dont les femmes le portent : effectivement, le port du haïk laisse apparaître chez la femme les jambes, les mollets, les bras, ainsi que la mèche. «Tous les ingrédients à même de séduire un homme», rigole-t-elle. «Ce vêtement peut aussi être agrémenté par le port de bijoux, à l'image du Khelkhal et des Sbiiyette, qui créent une ambiance musicale qui correspond au mouvement du corps», ajoute Souad. En Algérie, le haïk authentique est fabriqué à partir de la soie. Cela s'appelle «El haïk Mrema El Hor». Toutefois, il existe d'autres types de haïks dont le tissu est un mélange de deux matières qui sont la soie et la laine. «Le contact de la soie contre le corps crée une sensualité, nous dira Souad. Par ailleurs, ce drap blanc me rappelle les belles sculptures romaines et grecques, dont la nudité est le thème principal.» Le haïk se porte aussi avec l'aâdjar, une sorte de petite voilette faciale triangulaire. Mais, contrairement à la burqa, l'aâdjar n'a pas pour objectif de cacher le visage de la femme. «C'est un élément qui orne le visage, qui met en valeur les yeux (laâyoun lemkahlin)». Pour que le haïk soit véritablement sexy, les chaussures à talons sont indispensables. «Elles permettent à la femme de contrôler les mouvements de son corps. Cela s'appelle chez nous ‘‘temchi w tetzaâbel''». Pour la petite parenthèse historique, on a appris qu'un diplomate français, François Savary de Brèves (1560-1628), a mentionné le haïk dans un de ses recueils. Selon lui, cet habit est un voile qui découle du peplos dorique (tunique antique grecque). Il précise aussi qu'il a été adopté par les Numides à partir du règne de Massinissa et de son fils Micipsa. «Chez-nous, on sait tous que le haïk est ottoman, affirme Souad. Toutefois, il faut noter que le haïk actuel n'a pas la même forme que celui des Ottomans, car au début il s'agissait d'une fota qui couvrait seulement la partie haute du corps et qui était associée à un pantalon large qu'on appelait ‘‘serwel mdewer''. Ce n'est que bien après que le haïk a pris une nouvelle forme et une nouvelle sensibilité». Enfin, pour finir, on saura que Souad Douibi concocte, pour bientôt, une manifestation surprenante sur Alger. Elle a choisi de l'appeler «Opération Haïk Choc !». «Cette opération que je m'apprête à monter n'est pas du tout choquante pour moi. J'apporte juste une touche visuelle tout à fait sensuelle et suggestive. Si elle choquera, c'est parce que j'irai dans de petits détails que je trouve sensuels, sexy, séducteurs…».