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De l'absurde à l'espoir
JOURNEES CINEMATOGRAPHIQUES D'ALGER
Publié dans L'Expression le 08 - 10 - 2009

Un bon point pour l'association «A nous les écrans» en programmant le merveilleux Le temps qu'il reste d'Elia Suleiman.
La journée du mardi a été marquée, en début d'après-midi, par une conférence de presse portant sur la situation du court métrage en Algérie et son importance pour l'avenir du cinéma algérien. D'abord, un bémol à relever, le manque flagrant de réalisateurs algériens, même les plus connus sur la place d'Alger. Pourquoi donc? Animée par Yasmine Chouikh, auteur de Bab (2008) et Zakaria Saïdani, auteur de La Symphonie des dieux et modéré par le producteur et réalisateur Mehdi Benaïssa, cette rencontre a essayé de cerner la problématique du court métrage en Algérie partant de son histoire et ses spécificités comme moyen d'abord de s'essayer au cinéma. Si le court métrage de Yasmine Chouikh est potable car fait dans de bonnes conditions et soutenu par la télé algérienne, celui de Zakaria pêchait par une trop grande carence technique. Son film au sujet intéressant soit-il, n'a pas accroché le public. Mauvaise qualité de son, de l'image et du montage ont constitué un ratage pour ce jeune réalisateur qui admet avoir relevé un défi eu égard aux conditions dérisoires et du peu de matériel filmique dont il a bénéficié. Une inégalité des chances d'emblée discernable. Mais à qui la faute? Abordant le sujet des enfants laissés-pour-compte, et réalisé dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe», le film Les étrangers de Fateh Rabia a été des plus émouvants. La Symphonie des deux raconte le miracle d'un enfant prodige qui, aveugle, arrive à faire des miracles grâce au pinceau. Le court métrage de Yasmine Chouikh se passe de la parole pour décrire la situation «docile» de la femme algérienne. D'aucuns savent que le court métrage est le parent pauvre du cinéma et qu'il faut d'abord faire ses preuves pour prétendre à être pris au sérieux et bénéficier après, d'une éventuelle aide. Mais avant il faut toujours faire appel au système D. A fortiori en Algérie. Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître l'existence d'une réelle dynamique incontestable chez la nouvelle génération de réalisateurs. Pour peu qu'elle ait accès comme tout le monde au savoir et aux moyens. Abordant le sujet de la production, Yasmine Chouikh fera remarquer qu'il existe pour l'instant deux sources du financements, à savoir le ministère de la Culture avec son Fdatic qui, aujourd'hui, prête de l'intérêt, selon elle au court métrage qui est considéré comme une sorte de formation ou un exercice sur le terrain pour le réalisateur et enfin la télévision qui finance la plupart des films algériens aujourd'hui. Elle citera également les festivals comme seul moyen de promotion de ces films quand la diffusion vient aussi à manquer et annoncera officiellement la naissance prochaine d'un «espace de promotion» du court métrage à la télévision. Bref, «les réalisateurs sont animés aujourd'hui par l'urgence de faire des film mais hélas! sans avoir les moyens de leur politique, il reste le numérique qui permet de faire de bons films à peu de frais», a affirmé optimiste Mehdi Benaïssa.
Côté projection, le public de la salle Cosmos a eu droit à 17h De Alep à Hollywood, un document sur la vie du réalisateur d'Errissala, Mustapha El Akkad suivi de Mahmoud Darwich de Simone Bitton et Elia Sambar (France/Liban). Un film qui retrace la vie de ce grand poète palestinien en revenant sur les traces des pays où il a séjourné durant sa vie. Cette dernière faite d'exil mais jamais de renoncement. 20h, le public est plus présent. Et pour cause! le dernier film d'Elia Suleïman, sorti cette année à Cannes, est projeté en exclusivité à Alger grâce à l'association A nous les écrans. Le Temps qu'il reste (The time that remains») déconcerte, déstabilise, ennuie certains. Cette biographie racontée de façon burlesque est détonante. Elia, qui joue dans le film son propre rôle, est désarmant de fragilité. C'est ainsi que sont peints les personnages, comme des pantomimes, avec une profonde tendresse. Elia Suleïman ne fait pas l'unanimité dans la salle. Beaucoup n'adhèrent pas à son délire. Qu'importe! Sa façon de tourner demeure fidèle à son style depuis Intervention divine, les angles statiques et plans séquences immobiles font la particularité de son cinéma. Un cinéma d'impressions doublé d'expressions. La caméra s'attarde souvent sur les visages aux plans serrés. Son père, se souvient Elia, était un militant, grand, beau et fort. Sa mère aussi. Ce film raconte les quatre étapes de la vie de sa famille, inspirées des différents carnets personnels de son père et commence lorsque ce dernier était résistant en 1948. Aussi, il se base sur les lettres de sa mère envoyées aux membres de sa famille, qui furent forcés de quitter le pays. Le film dresse le portrait incongru de surcroît de ces Palestiniens qui sont restés sur leurs terres natales et ont été étiquetés «Arabes israéliens» vivant comme une minorité dans leur propre pays, comme il est discernable dans cette école avec cette chorale chantant en arabe et en hébreu à la fois, pour célébrer l'indépendance. Drôle de vie qu'a mené ce petit garçon qu'était Elia. Le film malgré une étrange mélancolie qui le traverse du début à la fin (la scène finale avec son père dans la voiture ou avec sa mère au balcon face aux feux d'artifice qu'elle ignore ou à l'hôpital sont touchantes), ne manque pas de punch insolite et d'humour cocasse pour illustrer l'absurdité de la guerre.
La musique est omniprésente tout au long du film pour marquer des repères dans le temps ou sous-entendre une mélodie du bonheur immuable. Un film magnifique, beau et puissant. Parfois fantasque et étrangement poétique. Le silence est parfois plus éloquent que tout. Ce qui est admirablement peint et rendu ici.


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