«Ula ma ?ândek-ch lpisto, klak Boubi», (si tu n'as pas de piston, Bobby (le chien) te mange !) Le piston c'est le piston, le concours d'influence. Le mot est emprunté au français mais on dispose d'une expression locale : b ludjuh et, en berbère, s wudmawen (littéralement avec les visages), c'est-à-dire «accorder une faveur à quelqu'un qu'on connaît alors qu'il n'en a pas le droit...» Sans jeu de mots, on peut dire que le piston est le levier, ou l'un des leviers importants de la société algérienne : qu'il s'agisse de hâter une procédure administrative, de rétablir le téléphone en dérangement ou de scolariser un enfant avant l'âge requis, il suffit d'actionner le levier pour obtenir ce que l'on veut. L'intervention peut provenir d'un personnage haut placé comme elle peut venir d?un simple agent, voire d'un planton, et on dit même que les plantons ont parfois plus de pouvoir que les directeurs ! Bien sûr, il y a le petit et le gros piston : le petit, c'est par exemple passer le premier dans une file d?attente, parce qu'on connaît un employé ; le gros, c'est obtenir un poste ou un marché, quitte à mettre le prix qu'il faut... Petit ou gros, le piston est dénoncé par les bonnes consciences, notamment celles... qui n'ont pas de piston et qui, dans leur for intérieur, voudraient bien avoir ! Certaines personnes vont jusqu'à déclarer le piston h'ram, c'est-à-dire illicite au yeux de la religion et rappelle cette vérité : «Ula addenya b ludjuh, lakhira b lef ?ayel !» (si la vie ici-bas est une affaire de piston, dans l'au-delà, seuls comptent les actes). Autrement dit, dans l'autre vie, on ne peut espérer une récompense à laquelle on n'a pas droit : Dieu, Le Juge Impartial, ne faisant pas de piston ! C'est toujours une consolation pour les victimes terrestres du piston. En attendant, les pistonnés mènent la belle vie, et le piston a de beaux jours devant lui !