Incompréhension Jusqu?à quand l?instabilité chronique et cyclique régnera-t-elle en maître mot dans notre football ? Le départ officiel aujourd?hui de Rabah Saâdane de la tête de la Direction technique nationale (DTN) confirme que le chemin à parcourir est encore long. Au départ, rien que de beaux discours, que de belles promesses. Une politique et une stratégie sont évoquées au cours de conférences de presse, d?interviews et de v?ux mi-pieux mi-réalistes. Rabah Saâdane était, il y a un an et trois mois, l?homme le mieux indiqué pour mener à bien la grande et sacrée mission de la Direction technique nationale. Il venait d?ailleurs de remplacer Hamid Zouba, celui-là même qui, en véritable passionné, avait mis en place toute une organisation et un programme ambitieux pour la relance du football national. Aujourd?hui, 30 juin 2004, Saâdane quittera officiellement ses fonctions de directeur technique national. En début de semaine, un communiqué laconique de la FAF est venu annoncer la séparation à l?amiable entre les deux parties avant de mentionner quelques lignes plus loin que le concerné a été «déchargé» de ses fonctions, histoire de confirmer le flou dans lequel nage la gestion des affaires de notre football. Saâdane, qui, faut-il le souligner, s?est toujours mis dans la peau du partant en prenant le soin de rappeler à chaque occasion qu?aujourd?hui, il était là, «mais demain, on ne sait jamais», prendra la direction du Yémen où l?attend un contrat mirobolant pour prendre en main la sélection nationale de ce pays. C?est la vie, nous dit-on. Et pourtant, Rabah la science, pour les intimes, ne manquait de rien dans son pays, du moins sur le plan salaire puisque son revenu mensuel représentait dix fois celui d?un ministre, soit 600 000 DA. Mais dans l?intimité de la FAF, il n?y a pas que le salaire, il y a aussi les non-dits et les sujets qui fâchent. Depuis le début, Saâdane n?a jamais pu cacher son malaise à la DTN. Il laisse ouverts de nombreux chantiers de développement et de vulgarisation de la discipline, mais aussi un goût d?inachevé, comme sait le faire l?Algérien en général. Il ne récolte jamais les fruits de son travail ni regarde grandir le bébé qu?il a mis au monde. C?est devenu un acte culturel. Saâdane est donc bon pour le Yémen ? où il prendra ses fonctions le 10 juillet en contrepartie d?un contrat de 100 000 dollars plus une mensualité conséquente ? mais pas pour son pays ! Après donc Zouba, Bouarrata, Mehdaoui, Charef, Aït Mohamed, c?est au tour de Saâdane de faire les frais d?une gestion inconséquente et floue de la DTN qui plonge, encore une fois, notre football dans l?incertitude. Quand on sait qu?un Aimé Jacquet, l?équivalent en grade de notre Saâdane national, est le patron incontesté de la direction technique française depuis six ans, c?est-à-dire au lendemain du sacre du Mondial-98, et que son contrat court toujours à la tête de pas moins de 14 sélections nationales, on est jaloux. Le sérieux, la stabilité, la rigueur, le travail dans la continuité et l?appui de l?Etat pour les compétences sont les seuls gages de réussite de toute entreprise. Au moment où l?Assemblée nationale examinera et débattra du projet de loi sur le sport, elle devra s?attarder beaucoup plus sur les facteurs d?instabilité et ce manque d?égards qui poussent les meilleurs cadres et techniciens algériens à aller monnayer leur talent et leur compétence ailleurs que dans leur propre pays. La succession de Saâdane est donc ouverte et des noms circulent déjà dans les couloirs de la FAF. On parle même de Saïd Haddouche, l?éminent cadre algérien vivant en Belgique, mais quel que soit celui qui prendra place dans les bureaux de la DTN, personne ne saura combien de temps il restera et verra-t-il un jour l?aboutissement de son travail. Difficile d?y répondre et c?est là le n?ud du problème. Le sport algérien reste victime, comme bon nombre de secteurs dans ce pays, de l?instabilité chronique qui le ronge et qui l?empêche de progresser.