Dilemme Le jeune époux est pris entre deux feux : il doit choisir entre sa mère et sa femme. Lorsque son mari rendit l?âme après quarante ans de vie commune, elle redoubla d?affection au foyer et tissa une chaîne d?amour solide autour du cou de ses enfants. Ils disparurent tous à la fleur de l?âge et le seul qui lui restait, elle le couvrit de toute la tendresse dont elle était capable. Elle veillait sur lui comme sur la prunelle de ses yeux. Rien n?était trop beau ni trop cher pour lui, jusqu'au jour où elle le mariera. La première année de vie à trois se passa sans accroc, sans ombrage. La belle-mère, très douce par nature, était même heureuse d?avoir sous son toit une belle-fille, la fille qu?elle avait toujours rêvé d?avoir. Puis, fatalement, arriva la saison des remises en cause. Pour un oui ou pour un non, la malheureuse vieille femme se faisait tancer, rabrouer comme une enfant, puis carrément mettre au pas. Les scènes de ménage se multiplieront. La vie deviendra pour le jeune couple quasiment impossible. Le jeune époux ne pouvait donner systématiquement tort à sa mère, ni systématiquement raison à sa femme. Il laissera alors faire le temps, mais le temps n?arrangera rien. Bien en contraire, il transformera le modeste appartement en un véritable enfer. De guerre lasse, le fils n?aura d?autre choix que de placer sa maman dans une maison de vieillards pour avoir la paix. Mais la belle-fille, arrivée à ses fins, n?en restera pas là. Il faudra bien profiter de la pension de réversion de retraite que la vieille tenait de son mari. Alors elle imaginera, sans aucun scrupule, le stratagème suivant : chaque fin de mois, elle versera quelques larmes et demandera à son mari d?inviter sa maman... Une maman, rappelons-le, chassée de son propre foyer. Quand la pitoyable maman venait à la maison, elle avait droit à une assiette de couscous garni d?une moitié d?aile de poulet, un verre de lait caillé et un abricot en guise de dessert. Le lendemain à la première heure, son fils la menait à la poste où elle retirait sa retraite qu?il empochait sur-le-champ, avant de raccompagner sa mère au «pensionnat». Et c?est ainsi qu?une maman, usée par l?âge, paie chaque mois, avec l?argent de sa retraite, le droit de vivre vingt-quatre heures dans ce qui fut sa maison.