Responsabilité A la mort de son époux, c?est elle qui prend le commandement de la maison, menant tout le monde à la baguette. On se rappelle encore, dans ces fières montagnes de l?Ouarsenis, la vieille Fatima, morte il y a maintenant quelques décennies. Les gens qui l?ont connue parlent d?elle comme d?une femme acariâtre et méchante, qui a mené la vie dure à son mari, longtemps émigré en France et qui, à la fin de ses jours, est revenu au pays. La vieille a aussi maltraité ses fils et ses filles, puis ses belles-filles. A la mort de son époux, c?est elle qui a pris le commandement de la maison, menant tout le monde à la baguette. «Vivement qu?elle meure !» En fait, même si on souhaite sa mort, les siens n?y ont pas intérêt, car c?est elle qui perçoit la pension de son défunt mari, une pension en devises. Même si elle déteste son monde, même si elle est près de ses sous et qu?elle dépense très peu pour la nourriture et les vêtements, elle fait un usage utile de son argent. Elle a déjà fait construire une grande maison et même acheté un terrain. Elle a beaucoup de projets, elle est très active? Mourir, la vieille n?y songe pas? Elle est solide comme un roc et, à soixante-dix ans, elle va et vient comme une jeune femme, se rendant aux champs, gaulant les olives?, mais toujours en maltraitant son monde ! ? Que fais-tu là, toi ? ? Je suis malade ! ? Quoi, malade à ton âge ! Lève-toi de là, va travailler ! ? Il n?y a rien à faire ! ? Il y a toujours quelque chose à faire ! Et si la fille n?a effectivement rien à faire, la vieille Fatima lui trouve une occupation. Quant aux belles-filles, elles n?ont pas intérêt à se rouler les pouces. La vieille commande à tous, même à ses fils. Comme c?est elle qui tient les clés des réserves, elle mesure tout, elle n?admet aucun gaspillage et gare à celui ou à celle qui jettera un quignon de pain ou repoussera un plat qui ne lui plaît pas. ? Mange, crie-t-elle. ? Je n?ai pas faim ! ? Alors jeûne ! Et elle soumet réellement la personne au jeûne, lui interdisant tout aliment jusqu?à ce que, affamée, elle supplie la vieille de lui donner à manger. Ses deux fils, Omar et Tahar, essayent parfois de protester. ? Mère, tu es trop sévère avec nos femmes et nos enfants ! ? C?est parce que, répond la vieille, vos femmes et vos enfants ne sont pas bien élevés ! Je refais leur éducation. Et la vieille de s?en prendre à ses fils : ? Vous n?êtes pas assez sévères avec vos femmes et vos enfants ! Si les finances de la maison vous revenaient un jour? Et les deux fils se taisaient, supportant tout de leur mère. (à suivre...)