Exception Pour ces enfants, la plage n?a plus sa magie et sa beauté d?antan. L?été, ce sont le travail et le labeur. Les jeux et les délires, c?est pour les plus riches. Mohamed traîne le grand sachet dans lequel baigne une bouteille thermos de café qu?il trimbale toute la journée. C?est un vendeur ambulant du café que sa mère prépare chaque jour. De 7 h jusqu?à 17h, un rythme de travail qu?il suit depuis le début des vacances scolaires. «Café chaud à 15 DA la tasse», crie-t-il d?une voix puérile, se frayant un chemin dans la foule des vacanciers. Des cheveux noirs et un visage bistré, brûlé par le soleil et les allers-retours sur l?immense plage d?El-Kaddous. Mohamed n?a pas ce regard pétillant lorsqu?il entend le bruit des vagues qui se posent tendrement sur la rive dorée. Il ne pousse pas de cris excités quand ses pieds s?enfoncent dans le sable mouillé, pourtant, il a à peine 12 ans. La grande bleue ne l?ensorcelle pas comme elle emporte tous les enfants de son âge, qui, juste à quelques mètres de lui, poussent des cris de joie. L?été, c?est le labeur pour lui, d?ailleurs il ne nage jamais. Il doit travailler pour assurer sa prochaine rentrée scolaire et aider également sa pauvre famille. «Je travaille toute la journée sans déjeuner. Ce n?est qu?une fois à la maison que je mange», raconte-t-il les yeux baissés. Lorsqu?il est acculé de questions, il se tait, détourne le visage ou tente d?y répondre timidement, un sourire triste aux lèvres. «J?habite à Aïn Taya, vous voyez ces maisons là-bas», lance-t-il en montrant du doigt des maisonnettes en briques, érigées en désordre, semblables à celles des villages isolés. «C?est là que j?habite.» Son ami Yahia, aussi élève en 8e année, est vendeur de gaufrettes. D?un air naïf, il raconte qu?il achète ces gâteaux chez un grossiste à raison de 35 DA le paquet pour les revendre à 50 DA. Chétif, il supporte mal la lourde caisse de marchandises accrochée à ses épaules maigrelettes. «Ce sont mes parents qui m?ont demandé de travailler pour m?acheter des vêtements et des fournitures scolaires. Avec l?argent que je gagne, je contribue également aux achats quotidiens : le sucre, le café, les légumes, tout ce qui manque, car mon père ne travaille pas.» Les deux gamins profitent rarement des plaisirs de la mer. «Nous n?avons pas le temps», confient-ils candidement. C?est ainsi que commence et se termine leur dure journée.