Souffrance Mohamed, 24 ans, rêve d?aller à la plage. Depuis que le séisme a ébranlé la région, et que les travaux de restauration ont été engagés par sa famille, la baignade lui est interdite. Son été n?est plus le même. «Vous allez à la plage ? Oh quel plaisir ! Vous allez vous perdre dans nos belles plages !», s?exclame Mohamed, vendeur dans un magasin d?alimentation générale au centre-ville, à l?intention de tous les clients qui passent le seuil de sa grande boutique. Ses yeux noirs brillent de tentation et d?envie, particulièrement dès que la réponse est affirmative. En sortant la bouteille congelée d?eau minérale qu?il tend à l?inconnu, il lance un regard rêveur depuis sa grande boutique puis enchaîne, en criant presque : «De là, je regarde la plage. Je me contente de ce paysage féerique. Je sens fortement son odeur et cela apaise mes tourments. J?adore la mer, elle est juste à côté et pourtant, je n?y ai pas encore mis les pieds ! Je n?ai pas le droit de quitter le magasin. Vous savez, il y a exactement une année que je n?ai pas caressé ses vagues.» Un jeune client entre brusquement. C?est le petit Omar, un enfant du quartier. Mohamed met fin à sa discussion et accourt vers l?enfant : «Je veux trois bouteilles d?eau.» Mohamed rouvre le congélateur et rétorque : «Il n?y a qu?une seule bouteille d?eau congelée. C?est la dernière. Je n?en ai plus. Désolé !» Le jeune client pousse un soupir de déception, puis prend quand même la dernière bouteille d?eau minérale. Notre jeune vendeur lâche enfin la terrible question qui lui brûle la gorge : «Hé, dis Omar, vous allez à la plage aujourd?hui !?» Omar répond spontanément avec enthousiasme : «Oui. Comme d?habitude, en famille.» La réponse l?apaise et le trouble. Il jette un regard attristé, presque embué : «Je crois que je mourrai de tristesse si je n?y vais pas. L?année dernière, je n?ai pas pu y aller parce que nous étions ébranlés par le séisme. Nous sommes encore en pleine opération de restauration et de construction. Je ne peux même pas bouger librement. Je passe la journée ici, à moisir et à voir les autres partir à la plage.» Cette fois, il laisse la colère l?emporter : «C?est un été gâché !» La sueur perle sur son visage clair qui ne porte pas de trace de bronzage. Mohamed confie qu?il aime bien Dellys, la ville ensoleillée qui a bercé son enfance. «Nous avons de très belles plages. Allez-y pour en profiter. Je me contenterai d?écouter de mon coin vos cris de joie. C?est mieux que rien...»