La constipation est un mal que les Algériens redoutent beaucoup, surtout si elle est chronique : le constipé dit-on, souffre beaucoup, on le reconnaît à son teint blafard et à son caractère aigri ; il vaut mieux ne pas le contrarier, autrement il peut se montrer agressif et même violent. Quand le ventre va bien, dit l?adage, le reste suit, mais quand le ventre va mal, tout est bloqué ! Tout est bloqué, c'est le cas de le dire pour un constipé ! C'est d'ailleurs par une image très évocatrice que l'on définit la constipation : karchu h'absa (son ventre est arrêté), son ventre ne fonctionne plus, son ventre est en panne ! Mais plus grave que la constipation des ventres, il y a celle des têtes : le constipé, dans ce cas, n'est pas celui qui éprouve des difficultés à évacuer ses selles mais celui qui n'arrive pas à exprimer ses sentiments et ses idées ! Al-habes, c'est d?abord le timide qui n'arrive pas à s'exprimer en public, qui rougit quand on lui parle ou quand on tient devant lui des propos osés. C'est ensuite et surtout l'homme ou la femme qui se cramponne aux traditions et qui refuse l'évolution : plus fort que le traditionnel h?abes, on emploie alors, le français «constipé» prononcé à l?algérienne konstipi. C?est l?homme qui ne laisse pas sa fille sortir librement, c'est le garçon qui n'a pas de copine, c?est la fille qui ne touche pas la main aux garçons ou qui ne va pas dans les boums... Certains vont plus loin en taxant de «constipé» tout ce qui n?est pas moderne : par exemple écouter de la musique traditionnelle en lieu et place de la musique anglo-saxonne, porter certains types de vêtements, jugés trop conformistes, utiliser, en parlant, des expressions jugées archaïques, bref, ne pas se conformer à un mode de vie que l?on juge «moderne» parce que comportant moins de contraintes sociales ou morales.