Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Les urgences du centre hospitalier Benbadis ne désemplissent pas depuis le début du mois de Ramadhan. Divers cas y sont enregistrés chaque soirée. Les services sont dépassés. Il est presque minuit et le service accueille encore des patients. L'accalmie qui a précédé ne sera qu'éphémère. Ami Ali, comme l'a nommé l'infirmière, pressait son abdomen pour tenter d'apaiser sa souffrance. Il fallait patienter. Les trois internes de garde auscultaient une femme alors que les chaises jouxtant la salle se remplissaient de malades dont la majorité se plaignent de malaises ou douleurs survenues après la rupture du jeûne. En fait, il n'y a pas de coordination entre le service paramédical et celui des médecins pour réguler selon les cas, graves ou anodins, tout ce monde qui défilait dans les couloirs de l'enceinte hospitalière. Ami Ali se sent de plus en plus mal. Impuissants, les internes décident de l'envoyer au résident de l'autre côté du bloc pour lui administrer un calmant. En bas, les cas se multiplient. «Ce sont généralement des personnes qui rompent le jeûne sans modération qui viennent ici», explique l'un des médecins de garde. Donc, les malaises sont liés directement à l'alimentation. «Ce sont généralement des douleurs à l'abdomen qui se manifestent après le f'tour», ajoutera-t-il et d'ajouter : «L'indiscipline dans la rupture du jeûne occasionne des colopathies fonctionnelles et aussi des constipations. Cependant, on relève des cas d'intoxication [toxico-infectieux]. Ces intoxications sont généralement provoquées par la consommation de brochettes de viandes qui sont préparées et venduer sur les trottoirs, loin des normes d'hygiène.» Par ailleurs, il faut dire que la galère des malades ne se limite pas à l'attente d'une simple consultation et une prescription médicale. Il leur est souvent demandé selon le cas une radio de l'abdomen. Là c'est le hic des urgences car il faut emprunter une bonne montée pour pouvoir se faire radiographier et s'acquitter après d'une modeste somme au guichet. «On ne comprend pas pourquoi cette unité radiologique située au rez-de-chaussée ferme ses portes à 16 heures alors que c'est plus pratique pour un malade d'y faire son cliché», se demande un malade muni de sa radio pour la présenter au médecin. «C'est aberrant», martèle-t-il. Les services des urgences continuent de constituer le talon d'Achille du CHU et ne parviennent toujours pas à prendre en charge sans peine apparente les sujets atteints. «C'est une question d'organisation et pas de moyens», estime un infirmier. Minuit passée, on visitera l'autre pavillon des urgences médicales. Aucune place vide dans les pseudo salles d'attente. «Depuis le début du Ramadhan, on peut dire que le nombre des malades qui sollicitent les urgences de nuit a doublé», annonce d'emblée un résident. Ce pavillon reçoit divers cas de pathologie. «Les hypertendus, les diabétiques sont en majorité parmi les nombreux malades qui se présentent au service. Il y a aussi des cas relevant de problèmes digestifs comme les ulcères et les gastrites», fera-t-il remarquer. Le rush des malades se poursuit jusqu'au lever du jour au niveau des urgences médicales. «C'est le changement d'horaire dans la prise des médicaments qui provoque aux deux premières catégories citées des malaises et quelques complication qui nécessitent une prise en charge rapide», explique le médecin. En effet, à chaque Ramadhan, diabétiques et hypertendus sont confrontés à la problématique médicamenteuse. Cela dit, la plupart ne respectent pas les changements des horaires qui leur sont prescrits par leurs médecins. Il existe des malades chroniques qui doivent appliquer à la lettre les consignes de leur médecin traitant sous peine de subir de graves conséquences, notamment en ce qui concerne les polymédiqués. Malheureusement, c'est le même scénario qui se répète chaque mois de Ramadhan. La tâche des urgentistes ne s'avère pas de tout repos avec le manque de bandelettes et de glucomètre, outils indispensables pour mesurer la glycémie des diabétiques. «Il y a une pénurie de bandelettes qui dure depuis un mois. Il faut faire des acrobaties pour mesurer la glycémie des diabétiques. Parfois, les malades ramènent leur propre appareil, mais souvent, pour ceux qui n'en ont pas, on recourt aux glucomètres des malades hospitalisés», dira le médecin qui vide son sac avec rage et amertume. Pis, se confiera-t-il, «j'ai assuré dernièrement une garde au service de médecine interne. Point de bandelettes, j'ai sollicité la pharmacie de nuit, en vain […]». Comment gérer tous ces malades aux urgences ? On apprend aussi par un autre médecin qu'«il existe des malades imaginaires qui se présentent la nuit et qui nécessitent en fait juste une oreille attentive. Ils viennent nous solliciter pour mesurer leur tension artérielle», dira-t-il. «Les accompagnateurs des malades qui se montrent agressifs, car ils viennent avec l'idée arrêtée que le CHU ne fonctionne pas bien. Alors que la corporation médicale fait de son mieux avec les moyens du bord pour venir en aide aux malades souffrants», déplore-t-il. En définitive, le Ramadhan fera toujours «mal» aux bourses d'abord et aux personnes ensuite qui ne savent pas se discipliner quand elles se mettent à table.