La nudité, c'est l'état premier de l'homme : Sidna Adam, dit la tradition algérienne, a été créé nu ainsi que son épouse, Lalla H'awa (Eve) : c'est seulement après avoir mangé le fruit de l'arbre défendu qu?ils ont découvert leur nudité et qu'ils ont eu l'idée de la cacher avec des feuilles de vigne que l'on peut considérer comme les ancêtres des sous-vêtements. La nudité, associée à Adam et Eve, symbolise la nature et la naïveté première que l'on dit, hélas, aujourd'hui, perdues. La langue garde cependant le souvenir de cet état, en associant à l'idée de nudité celle d'innocence. Ruh' and Rabbi 'âryan, yeks-ik, dit le proverbe : «Va vers Dieu nu, il t'habillera»; autrement dit, va vers Dieu le c?ur plein d'innocence (al-nniya), il te comblera de ses bienfaits ! La nudité, c'est aussi, par l'effet d'une image, le dénuement, la pauvreté : comme celui qui ne porte pas de vêtements, le miséreux ne possède rien, ni argent, ni nourriture, ni autres biens matériels. C'est ainsi qu'on dit d'une veuve et d'orphelins sans ressources : khellah-um 'âryanin, «l'époux ou le père les a laissés nus», c'est au demeurant le sens du mot français dénuement qui provient, lui aussi, de nu. Mais les emplois de 'âryan, «nu» et la'âdra, «nudité» ne s'arrêtent pas là. La'ara wetzendjir, lehfa wemiditi, «nudité et crasse, pieds nus et humidité». La phrase, de prime abord, décrit un pauvre bougre dont on imagine la situation : un taudis dégoulinant d'humidité, des matelas à terre, des enfants crasseux et affamés et comble du dénuement, allant pieds nus. Il n'en est rien, le dénuement dont il s'agit ici n'étant pas celui des corps mais celui? des esprits ! El-'âryan, «le nu», a pris dans la langue actuelle le sens de «pauvre type» : c'est l'avare qui fait des économies de bouts de chandelles, c'est l'égoïste qui refuse d'aider son prochain, c'est le calculateur qui ne cherche qu'à faire des bénéfices... La nudité des esprits, qui va à l'encontre des principes de générosité et d'entraide, est encore plus choquante que celle des corps que l? on peut toujours couvrir !