Autrefois, il existait un pays lointain qui ne connaissait pas les beaux jours : ni le soleil ni les fleurs ne venaient l?égayer. Partout, ce n?étaient que paysages glacés, enfoncés dans les brumes et battus par des vents impitoyables. La vie dans cette contrée était rude et morne. Le chat n?était alors qu?un animal sauvage ne connaissant pas encore la compagnie de l?homme. Il vivait misérablement de sa chasse ; le menu gibier qu?il rencontrait était maigre et sans intérêt. Un jour, alors que l?animal parcourait les chemins à la recherche d'une maigre pitance, le hasard lui fit rencontrer le roi crapaud. Celui-ci, comme à l'accoutumée, était de fort méchante humeur : «Où cours-tu ? Ne vois-tu pas que tu as pénétré mon domaine, sans invitation ?» Le matou que la jeunesse aveuglait, ricana et ne jugea pas utile de s?excuser : à quoi bon ? pensa-t-il, ce vieux grincheux m?ennuie ! Mais c?était compter sans le courroux du roi? Ce dernier grossit, s?enfla jusqu?à atteindre une taille monstrueuse ; de crapaud ordinaire, il devint un monstre vert terrifiant et baveux. «Chat, il est temps que tu apprennes les bonnes manières ! rugit-il. Tous mes sujets me doivent le respect. Pour ta peine, je te chasse de ce pays !» A ces mots, le chat battit en retraite devant le monstre hideux, mais il ajouta, téméraire : «Pas pour longtemps ! Je pars, mais je reviendrai un jour et tout changera dans ce pays, j?en fais le serment !» C?est ainsi que l?animal quitta son pays natal, lui qui n?avait jamais voyagé plus loin que la Grande Forêt? Après avoir erré longtemps, il rencontra une oie cendrée qui prenait un peu de repos : ? Où vas-tu ? Tu sembles las et affamé ? interrogea l?oiseau. ? Je cherche un pays où le gibier est si abondant que je pourrais manger pendant des jours, sans m?arrêter ! Un pays si doux que je pourrais dormir la nuit, sous un arbre, sans grelotter ! ? Cela existe? Et devant l?incrédulité du chat, elle ajouta : je t?y emmène, si tu le souhaites? Et ce qui fut dit, fut fait. L?oie cendrée prit son envol, le matou sur le dos. Bien vite, ils laissèrent derrière eux les bois et les lacs qui devinrent minuscules et ridicules. Ils étaient cernés maintenant par de nombreux nuages. Puis, tout à coup, il y eut une éclaircie : la lumière devint aveuglante, irréelle ! (A suivre...)