«Oui, je t?en fais solennellement le serment !», répondit avec émotion Tassadit, puis elle reprit, comme pour s?en convaincre : «Je ne te verrai pas, mais tu seras là, tu me parleras et je te devinerai malgré l?obscurité qui te cachera !» «Je rentrerai tous les soirs accompagné de mon père qui soufflera toute source de lumière puis s?en ira. Je passerai la nuit à tes côtés dans le palais, mais aux premières lueurs du soleil, je serai transformé en oiseau et alors je m?envolerai aux côtés de mes parents pour aller visiter d?autres contrées bien lointaines.» Tassadit accepta tous ces sacrifices pour apporter un peu de bonheur à son prince des neiges, qu?elle aimait déjà de tout son c?ur. Dès les premiers rayons du jour, elle sentit un froid glacial prendre possession de la chambre et elle entendit aussitôt le bruit d?un battement d?ailes. Elle comprit que la neige et l?orage étaient venus reprendre son prince, et qu?il venait de s?échapper par la fenêtre sous forme d?oiseau. Bientôt, il fit jour et, là, Tassadit découvrit émerveillée sa chambre nuptiale : les murs de cette pièce étaient entièrement recouverts de miroirs plus transparents que l?onde pure. Des tapis magnifiques couvraient le sol : le lit était tout en or serti de diamants et sa tête reposait sur des coussins en soie très fine. Dans les armoires elle trouva des robes et des toilettes dignes d?une reine. Plus tard, elle remarqua, au fond de sa chambre, deux portes entrouvertes : elle poussa la première et aperçut une salle d?eau féerique, elle s?y baigna, s?y coiffa puis poussa la deuxième porte. C?était une salle à manger, sur la table, somptueusement dressée, étaient servis les mets les plus recherchés, présentés dans des plats d?orfèvrerie finement ciselés; Tassadit s?attabla et commença à manger de bon appétit. Son attention fut attitrée par un couloir interminable qui prolongeait la salle et permettait d?accéder de part et d?autre à des portes mystérieusement fermées. Après s?être restaurée, elle courut ouvrir la première porte : elle découvrit alors un jardin magnifique. Le jasmin enlaçait le chèvrefeuille et exhalait un parfum enivrant. Elle compta plus de quatre-vingt-dix-huit variétés de roses, les unes plus belles que les autres. Elle papillonna ainsi de fleur en fleur toute la journée. Elle achevait de cueillir une brassée de roses odorantes quand elle s?aperçut, avec étonnement, que le soleil déclinait et se cachait derrière les monts enneigés des Aurès. Tassadit regagna sa chambre et lorsque la nuit fut complète, un souffle violent secoua portes et fenêtres, pénétra dans le palais de toute part éteignant les lumières. Le vent s?amusa même à arracher les pétales des fleurs qu?elle avait cueillies avec amour. «Vent jaloux !», murmura Tassadit. Elle entendit soudain un doux frôlement de plumes, son prince de la nuit était enfin de retour. La jeune femme lui offrit les roses qu?elle venait de sauver du vent. Grâce à sa femme, il venait de découvrir, après la douceur et la chaleur, le parfum subtil des fleurs ! Aux premiers rayons du soleil, il se transforma en oiseau et reprit son envol. Tassadit, après avoir pris un bain et déjeuné, ouvrit la seconde porte du long couloir. Ce jour-là, elle pénétra dans un verger magique, où poussaient des centaines d?arbres chargés de fruits merveilleux. Les yeux de Tassadit n?étaient pas assez grands pour tout admirer et sa bouche trop petite pour tout goûter. Elle remplit ensuite une pleine corbeille de raisins dorés, de mandarines qui scintillaient comme des petits soleils, de dattes plus sucrées que le miel, de fruits dont elle ignorait le nom et dont elle découvrit avec enchantement la saveur. La nuit la surprit ainsi butinant d?un arbre à un autre. Quand le prince revint, elle lui fit goûter et apprécier ces fruits du soleil qu?il ne connaissait pas. Lorsqu?à l?aube, il reprit son envol. Tassadit se sentit moins seule car chaque jour elle courait ouvrir une porte : c?était d?abord une chambre volière où vivait une multitude d?oiseaux aux couleurs magnifiques et aux chants féeriques. (à suivre...)