Imaginaire ■ Plus qu'un chant, plus que de la poésie, une dimension émotionnelle telle que les tableaux d'Abderrahmane Kahlane dédiés à la vieille ville d'Alger nous emmènent à travers les méandres de l'inspiration de l'artiste. Une inspiration où les sensations se réveillent au contact des couleurs fortes, puissantes, presque passionnelles, sinon bien passionnelles. Des bleus intenses, indigos, des verts émeraude mariés à des ocres, jaunes, rouges, orangés couleurs chaudes sorties de mélanges et créations donnant à voir la magie toujours présente dans les esprits de ses amoureux, d'une vieille médina à l'abandon. Tombée en ruine. Les œuvres de Kahlane sont là pour continuer à nourrir l'espoir d'une résurrection de La Casbah. Des touches en or pur ajoutent à l'impression de ville mythique. «J'utilise de vraies feuilles d'or et des pigments minéraux pour faire me rapprocher les couleurs initiales», explique-t-il. Le dôme du saint tutélaire d'Alger, les maisons étagées avec leurs fenêtres ouvertes sur l'imaginaire, les portes minuscules en série, tapis au vent laissant flotter leurs franges, petits tapis peut-être de prières, khamssates de heurtoirs de porte, khamssates tout simplement, empreintes de pas, autant de symboles faisant référence à la citadelle, El Djazaïr la bien gardée. Nous sommes au cœur du rêve de l'artiste. Nous le partageons. Faisant référence aux rideaux des fenêtres et leur symbolique, il explique : «Les fenêtres protègent leur secret par leur voilage, c'est mon propre secret...» Abderrahmane Kahlane admet être très attaché à cette partie de la capitale. «Ma famille paternelle y est ancrée et mon père, qui y a passé son enfance et sa jeunesse, m'y emmenait souvent comme en pèlerinage, après avoir élu domicile ailleurs dans Alger. D'ailleurs, je ne peux m'empêcher d'aller à la recherche des parfums, souvenirs, des choses visibles que je peux engranger dans mon for intérieur pour de nouvelles inspirations», raconte-t-il. C'est cet attachement du paternel, les images d'un passé heureux tant pour les vieilles bâtisses et les personnes, cette atmosphère quasi féerique que La Casbah d'Alger a su et sait encore transmettre, que l'artiste, une fois établi hors de nos frontières, il y a 26 ans, a matérialisés sur ses toiles. La magie opère à travers les œuvres de Kahlane. Habité par tout ce qui est patrimoine, le plasticien autodidacte prépare une nouvelle expo pour 2015 dont le thème sera : «Les palais et résidences d'Alger. Je suis né à quelques encablures du palais du Peuple et des villas avoisinantes, cela également hante mon présent d'artiste», souligne-t-il. Leila N. l Issu d'une famille d'artistes, une sœur professeur aux beaux-arts, un oncle brodeur sur cuir, un autre artiste-peintre mort en chahid, il n'est que normal pour que le jeune Abderrahmane soit attiré par le monde de la création artistique : «J'ai commencé par la peinture sur verre et puis peu à peu je me suis mis à la toile.» L'artisanat de la sellerie travaillée au fil d'or et d'argent, ajoutant à la noblesse du cavalier et la grandeur du cheval, demeure vivace dans les annales familiales des Kahlane originaires de Boussaâda et de M'sila, ce dont Abderrahmane ou Dahmane reste très fier. La rénovation des portes de Sidi Abderrahmane est un projet qu'il est en train de mettre sur pied avec l'espoir de rendre les teintes originelles aux entrées du Saint-patron toujours vénéré par les fidèles qui viennent lui demander d'intercéder auprès de Dieu en leur faveur. Et pour reprendre le cri d'amour de Himoud Brahimi : «Pour devenir algérois, il faut pas moins de quatre générations. Pour avoir La Casbah dans ses veines, alors là, il faudrait toute une éternité.»