Consta ■ A une semaine de l'Aïd, les citoyens ne se bousculent pas au niveau des lieux de vente des moutons, en raison de la cherté des prix appliqués, d'une part, et les appréhensions relatives à la santé du cheptel, d'autre part. Les rares citoyens croisés dans ces espaces de vente à Baba Ali, Birtouta et Boufarik, se contentent de se renseigner sur les prix, tout en insistant à interroger les vendeurs pour savoir si les moutons étaient indemnes de toute maladie. La fièvre aphteuse, qui a «dévasté» le cheptel bovin dans les diverses localités du pays, a laissé des séquelles sur les citoyens qui craignent que cette maladie ait touché également les ovins, en dépit des assurances du ministère de l'Agriculture et du Développement rural. «Les images montrées par les chaînes de télévision sur ces centaines de bovins anéantis par la fièvre aphteuse sont toujours vivaces dans mon esprit. Franchement, j'ai peur et j'hésite sur l'achat du mouton, malgré toutes les déclarations rassurantes des vétérinaires. Je me contente d'avoir une idée sur les prix et puis je vais discuter avec mes enfants sur le sujet», avoue Saïd, la cinquantaine. «Si la décision revenait à moi seul, je ne prendrais pas le risque», ajoute ce père de famille croisé dans un point de vente anarchique à Birtouta. Plusieurs autres citoyens partagent le même avis et insistent, auprès des vendeurs, de leur montrer le certificat vétérinaire du cheptel exposé. «Vous voyez, la plupart des vendeurs ne sont munis d'aucun document attestant de la bonne santé de leurs moutons. Ce n'est pas normal, comment sont-ils autorisés, alors que les autorités ont longuement insisté sur la nécessité de détenir un certificat de contrôle vétérinaire. Cette anarchie nous fait vraiment peur», ont affirmé nos interlocuteurs sur un ton d'inquiétude. Avec la fermeture des marchés aux bestiaux et l'interdiction de déplacement entre les wilayas, l'on s'attendait à une baisse des prix des moutons. Mais la réalité est tout autre. Les tarifs appliqués varient entre 35 000 et 65 000 dinars, ce qui met les citoyens face à un véritable dilemme. «Le prix du tout petit mouton dépasse mon salaire mensuel. Si j'achète, comment pourrais-je boucler la fin du mois. Et puis, il y a les vêtements pour les enfants, les produits de préparation des gâteaux... Honnêtement, je ne suis pas prêt à prendre le risque en dépensant la petite somme que j'ai pu épargner à cet effet», avoue, sur un ton de déception, Mohamed, la quarantaine, père de trois enfants scolarisés. «Mon Dieu, c'est la quatrième fois de suite que je risque de passer l'Aïd sans accomplir la sunna d'Abraham. C'est trop !», poursuit-il, avant de quitter le marché sur un air de dégoût. Les vendeurs reconnaissent, de leur côté, le manque d'engouement des clients. «L'année écoulée, j'avais vendu une trentaine de moutons une semaine avant l'Aïd. Cette fois-ci, je n'en ai vendu que cinq ! J'ai peur de ne pas pouvoir écouler tous ces moutons, et je subirai, alors, une perte sèche, car je paie le loyer du garage, ainsi qu'un employé», affirme, anxieux, Abdellah, éleveur dans la wilaya de Tiaret, et qui expose environ une cinquantaine de moutons en bord de route, à Boufarik. Si les vendeurs ont peur, les clients attendent la veille de l'Aïd, espérant que les prix fléchissent.