Nécessité fait loi, dit-on. Et cela s'applique parfaitement à la situation de la friperie chez nous, laquelle suscite toujours autant d'engouement et semble avoir encore de longs et beaux jours devant elle, et ce, malgré son interdiction par un texte juridique. Il faut dire que les prix de ces vêtements usagés font l'affaire d'une certaine catégorie d'Algériens. Chacun est, en effet, à la recherche d'une veste «solide», ou de tricots et pantalons à même de leur permettre de se vêtir comme il se doit face à la pluie et au froid glacial. Ces simples citoyens auraient, certes, voulu se vêtir et habiller leurs enfants avec des vêtements neufs, mais la cherté de la vie et leur incapacité financière à satisfaire ce besoin élémentaire les ont contraints à fouiller dans ces amas de friperie. Il y a quelques années, les gens accédaient à ces magasins en cachette, par honte d'être aperçus par des voisins, des amis ou de simples connaissances, mais aujourd'hui, personne ne se gêne pour y aller. «Je suis un fonctionnaire dans une administration publique et mon épouse travaille dans une crèche privée. Nous sommes venus ici chercher des vêtements en bon état pour l'hiver, car il nous est impossible d'acheter des habits neufs, au vu des prix exorbitants appliqués au niveau du marché et des magasins. Il n'y a aucune honte à cela. Au contraire, il s'agit d'une bonne manière de savoir gérer son budget», explique Mohamed, rencontré en compagnie de son épouse et de ses trois enfants dans une friperie à Bab Dzaïr, au centre ville de Blida. Le nombre important de clients a mis le propriétaire dans l'obligation de faire appel à son frère et son cousin pour l'aider. «C'est durant cette période qu'on travaille bien. Les gens viennent en masse et j'arrive à écouler de grandes quantités en quelques jours», avoue ce dernier, sans cacher sa satisfaction. Le commerce marche à merveille. Pour des tarifs oscillant entre 300 et 1 500 dinars, diverses qualités et marques de vestes, tricots, pantalons et chaussures y sont exposés. «Ici, à 5 000 dinars je parviens à habiller toute la famille. Le plus important est d'avoir des vêtements en bon état», intervient une mère de famille, venue en compagnie de ses deux petits garçons. Cette enseignante dans une école primaire, veuve du surcroît, ne parvient pas à procurer de nouveaux vêtements à sa progéniture. «Je paye un loyer de 20 000 dinars par mois. Et puis les charges de transport et les factures d'électricité, du gaz et de l'eau. C'est vraiment trop, je n'arrive pas à assurer une vie digne à ma petite famille. J'aurais aimé que mes enfants portent les meilleures marques et qualité d'habits, mais Allah ghaleb», lance-t-elle, sur un ton de dépit. Comme nos deux interlocuteurs, des centaines de milliers de simples citoyens trouvent dans ce commerce de friperie la seule occasion pour s'assurer des habits et des chaussures conformément à leur pouvoir d'achat. Devant la cherté de la vie et cette inflation galopante qui ne cesse de plomber l'économie nationale, le recours aux produits usagés devient une nécessité incontournable. Non pas un choix, mais une option dictée par des circonstances ayant le poids de «force majeure»...